Le Conseil de Paris a pour habitude de voter la nomination
des rues, places ou avenues de la capitale et s’acquitte généralement sans
encombre de cette tâche. La proportion de ces attributions est d’ailleurs si
élevée qu’il est rare aujourd’hui de trouver un carrefour, fût-il
misérable et même imaginaire, qui ne porte le nom d’un quidam. Le malheureux
Ben Barka, enlevé en plein Saint-Germain-des-Près, peut se réjouir ainsi de
voir son nom fiché sur un piquet à l’intersection des rues du Four et
Bonaparte. Sartre et Beauvoir ont leur place toute fictive sur l’emplacement du
carrefour Rennes-Saint-Germain. Joséphine Baker a droit à un vague
élargissement de trottoir devant le Monoprix de Montparnasse. Etc.
Il n’empêche que certains noms demeurent voués aux gémonies
et pour ceux-là pas même un bout d’impasse ne leur sera cédé ! Ainsi en
est-il, très particulièrement, de Maximilien de Robespierre. La principale
figure de la Révolution passe aujourd’hui pour l’un des plus grands dictateurs
de l’Histoire. Toute la tourbe idéologique vomie par la Réaction depuis
Thermidor recouvre son nom et paraît l’engloutir.
Malgré tout, une proposition d’attribution de son nom à un
lieu parisien a été faite devant le Conseil de Paris, mercredi 30 septembre
2009. Elle émanait de Georges Sarre et du groupe MRC, soutenue par les
conseillers communistes et quelques élus verts et socialistes. En face, c’est
une coalition PS-UMP qui a donc obtenu, sans surprise (mais à une courte
majorité cependant), le rejet de la proposition. M. Bertrand Delanoë, maire
« socialiste » de Paris, a naturellement voté contre ce projet
éminemment scandaleux ! Il faut dire que les soi-disant héritiers de
Jaurès n’ont désormais plus peur d’afficher ouvertement leur mépris pour la
Révolution française. À l’heure où un Livre noir peut sans contestation répandre les pires calomnies, à l’heure où des
députés UMP déposent un projet de loi visant à reconnaître le prétendu génocide
vendéen, il n’y a plus de raison pour que le PS fasse semblant d’aimer la
Révolution. Si l’on se risque à la citer, ce n’est que par morceaux,
contredisant la célèbre formule attribuée à Clémenceau ; il n’est que de
voir Ségolène Royal qui parle haut et fort de 89 mais craindrait de se
compromettre en parlant de 93, voire même de 92 !
Tout ceci a une explication. À droite, traditionnellement,
c’est le vieux fond royaliste et bourgeois pour l’ordre et la réaction qui voit
dans Robespierre, et avec raison, un ennemi redoutable. À gauche, c’est une
vision de l’Histoire de France à l’aune des sentiments contemporains qui
justifie ce revirement. Pour ces naïfs politicards, le moindre sang versé est
un scandale ! La Terreur et sa répression sanglante des mouvements
contre-révolutionnaires ne peut donc plus être acceptée. On oublie pour cela
que la République française a été sauvée par cette politique. On oublie aussi
que les royalistes étaient prêts à égorger les patriotes avec l’aide d’une
coalition européenne. On oublie encore que pour instaurer les principes de
liberté et d’égalité, il fallait lutter contre ceux qui voulaient le retour à
l’ordre féodal. Tout ceci n’a aucun poids pour les idéalistes d’aujourd’hui qui
se parent de vertu en invoquant les droits de l’homme et poussent des cris
d’orfraie devant la guillotine. La droite a donc beau jeu de récupérer cette
vision « humaniste » de l’histoire afin de justifier son rejet. Digne
porte-parole de la Réaction, M. Bournazel (UMP), dans son discours au Conseil
de Paris, a ainsi stigmatisé le « criminel » Robespierre en
n’omettant aucune des comparaisons habituelles avec Staline, pendant que M.
Caffet (PS) disait avec un sourire que « si Robespierre a été opposé à la
peine de mort, je crois me rappeler quand même qu’il l’a fait appliquer à tour
de bras ». Une pareille ignorance de l’Histoire laisse pantois…
M. Corbière, conseiller communiste, a hélas été un mauvais
porte-parole même si son discours avait du bon. Après avoir énuméré les combats
de Robespierre (suffrage universel, droit de pétition, abolition de l’esclavage,
vote des Juifs, etc.), il a rappelé que la plupart des Thermidoriens, ce
ramassis de lâches et d’escrocs, ont leur nom dans Paris. Il a aussi souligné
que les traîtres Mirabeau (corrompu jusqu’à la moelle) et Lafayette (fusilleur
du Champ de Mars) sont eux aussi à l’honneur.
Il y a en effet quelque paradoxe à vouloir, sous le
fallacieux prétexte du sang répandu par la Terreur, refuser à Robespierre
l’attribution d’un nom de rue quand tant de vrais criminels ont le leur dans
Paris. Que penser par exemple des lieux qu’on a baptisés « Adolphe
Thiers » ? La répression de la Commune de Paris organisée par ce dernier
fit plus de 20 000 morts en moins d’un mois, soit sept fois plus que l’ensemble
des exécutions en un an de Terreur à Paris ! On serait donc curieux de
connaître l’avis du citoyen Bournazel sur ce « criminel » honoré par
une rue et un square…
KLÉBER
Il faut cependant mentionner qu'il existe une rue Saint-Just à Paris, dans le XVIIIe il me semble. La jeunesse de ce révolutionnaire et son action militaire (Fleurus) peuvent expliquer qu'on l'ait épargné…
RépondreSupprimerDe même, il a existé à Paris, en 1945, une place Robespierre qui a été débaptisée aussitôt les communistes partis de la municipalité, en 1948.
La rue Saint-Just est dans le 17ème entre la porte de Clichy et le boulevard périphérique; les connaisseurs apprécieront !
RépondreSupprimerAussi mal lotie que la rue André Gide qui longe les voies ferrées de la gare Montparnasse...
Il est vrai que la rue André Gide a très mauvaise mine… Quand l'on songe que pour Michel Debré on a débaptisé le carrefour de la Croix Rouge (dont le nom remontait au Moyen-âge)… C'est toute la politique des nominations de rues qui devrait être révisée à Paris.
RépondreSupprimerProposons une votation citoyenne ! C'est à la mode !
RépondreSupprimerIl semblerait que la rue Saint-Just du XVIIe arrondissement n'ait rien à voir avec le révolutionnaire… Aucune rue parisienne pour les grands Montagnards donc !
RépondreSupprimerMerci pour cet article. Toutefois, vous êtes sévère avec moi écrivant que j'ai été un "mauvais porte parole" de cette juste bataille. Je ne disposais que de 2 mn, et la droite (et certains socialistes hélas) vociférait contre moi durant mon intervention... Pas simple donc d'être parfait dans ces conditions, mais j'entends vos critiques.
RépondreSupprimerContinuons à agir pour réhabiliter la mémoire des révolutionnaires de 93.
Respectueusement,
Alexis Corbière
Conseiller de Paris
Parti de gauche (PG)
Par "mauvais porte-parole", j'entendais souligner le fait que vous lisiez trop votre texte pour être convaincant… Mais il est vrai que vous n'aviez que peu de temps et les cris d'une majorité du Conseil contre vous. Je salue quoi qu'il en soit votre intervention et votre tentative.
RépondreSupprimerJ'ai créée un groupe Facebook "Pour une rue Robespierre à Paris" : j'aimerais que les gens viennent y débattre, parce que je pense que c'est surtout cela qui a manqué : un vrai bon débat sur Robespierre : http://www.facebook.com/group.php?gid=370708933509
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