mardi 29 septembre 2009

La pension Keller aujourd’hui

Dans Si le grain ne meurt, André Gide nous dépeint longuement le 6e arrondissement de Paris, lieu principal de son enfance. Son passage à l'École alsacienne, plus particulièrement son renvoi, pour cause d'onanisme « praliné » pendant les cours, est resté dans les mémoires. Il avait alors huit ans.
Gide durant les années d'errance scolaire qui suivirent accumula beaucoup de retard, et ce n’est que plus tard qu'il se révéla un brillant élève. À 17 ans, après avoir épuisé plusieurs précepteurs, il entra à la pension Keller, au 4 rue de Chevreuse, en attendant de suivre de nouveaux cours à l'École alsacienne où comme il le dit bien « on ne désespérait pas de me voir rentrer ».
Le bon Jacob Keller, pendant dix-huit mois, enseigna à Gide tout ce qui lui avait manqué et lui fit rattraper « les années incultes ». En outre, cet excellent précepteur se chargeait d’accompagner son élève aux cultes de la rue Madame et aux concerts dont « les chœurs sont uniquement composés de gens du monde comme toi et moi », ainsi que l’écrivait Gide à sa cousine Madeleine, le 25 janvier 1886. C'est aussi l'époque d'un tournant mystique pour le futur écrivain qui se passionnait pour les écritures et portait en permanence sur lui le Nouveau Testament dont il usait devant tous, notamment pendant les récréations de la pension Keller (acte d'autant plus méritoire quand on connaît son éreutophobie de jeunesse, comme le souligne son biographe Jean Delay). Toujours pendant ces mois, il apprit le piano avec Marc de la Nux cousin de Leconte de Lisle et homme entièrement dévoué à son art.

Ce moment de l'adolescence fut l'occasion pour Gide de questionner son rapport à l'autre sexe envers lequel il était loin d'être indifférent ; il retombait « dans le vice de sa première enfance » et « se désespér[ait] à neuf à chaque fois ». La pension Keller fut donc une période d'éveil intellectuel, artistique et religieux, même si elle ne le débarrassa pas pour autant des « sollicitations ténébreuses ».
 On peut visiter aujourd’hui l'ensemble des bâtiments qui était à l'origine une fabrique de porcelaine appartenant aux frères Dagoty. Celle-ci fut achetée en 1834 par l'institut Keller, école protestante, et c'est en 1886 que le futur prix Nobel y vint prendre des petits cours. Fermé en 1893 l'institut fut racheté par une riche américaine, Mme Reid, qui mit en place « l'American Girls Club ». Durant les deux guerres mondiales, le centre fit oeuvre de charité : en 1914 en se transformant en hôpital et en 1939 en accueillant des réfugiés. En 1964, le site fut légué à l'université Columbia. Il accueille aujourd'hui des étudiants, des chercheurs et participe à la vie culturelle du quartier en organisant concerts et expositions, autour de deux très jolies petites cours parsemées de fleurs et d'arbustes... La porte est toujours ouverte, mais, pour entrer, mieux vaut avoir quelque chose à y faire.

GV

En complément, on peut lire Si le grain ne meurt et l’excellent Delay sur La jeunesse d’André Gide en deux tomes, et bien sûr visiter le Reid Hall au 4 rue de Chevreuse à Paris.
Consultable en ligne l’histoire du Reid Hall.
Images : André Gide (source ici) et la pension Keller aujourd'hui (site du Reid Hall).
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samedi 26 septembre 2009

Quelques mots sur "Un prophète"

M. Jacques Audiard, réalisateur d’Un prophète, présente son film comme un anti Scarface ; c’est pourtant bien l’histoire d’une ascension sociale « à l’abri » des barreaux d’une prison centrale, qui nous est racontée. Reprenant une idée reçue sur la prison : on y rentre pour une infraction mineure et on en sort prêt pour le grand banditisme, Audiard s’attache, grâce une réalisation collant à la réalité carcérale et une image sans fard, à présenter la prison comme une école du crime.

Malik (Tahar Rahim, Grand Prix au festival de Cannes 2009) est incarcéré pour 6 ans. Il entre dans la prison comme il a vécu, sans comprendre grand-chose : sans éducation, sans parents, sans religion, sans langue maternelle... Il est seul et a l’air hébété. Ce statut, nous met d’emblée dans une situation de sympathie vis-à-vis du jeune héros, qui semble innocent. Victime désignée dans cet univers hostile, Malik va, au fil des événements, prendre sa place et ne plus être le jouet du sort.
Tahar Rahim se montre excellent dans cette métamorphose, de même que la galerie de petites frappes et de parrains qui l’entoure et qui n’apparaît jamais caricaturale. C'est sans doute pourquoi, on ne voit pas passer les 2 h 35 min du film, mélangeant les scènes-chocs à la métaphore animalière. Audiard, recrée un univers dont la trame est connue aux joueurs de GTA : on effectue des missions de plus en plus périlleuses pour finir par prendre la place du caïd. Références à Tony Montana et aux jeux vidéo qui n’échapperont pas aux adeptes de la culture rap, ni à ceux qui tirent une certaine fierté d’avoir été en « zonzon ».
Alors, le scénario échappe-t-il aux poncifs ? Pas vraiment : il y a d’abord le succès à tout coup du jeune premier à l’intelligence ignorée. Sa chance et son audace sont insolentes et lui assurent une progression sans faille dans un monde de gangsters, ce qui en fait un vrai héros. Ensuite, on n'échappe pas au cliché du voyou au grand cœur et plein d'honneur ; certes il accepte d'exécuter, mais c'est pour mieux prendre soin financièrement de la femme et du fils de son meilleur ami atteint d'un « cancer des couilles ».
Est-ce un film immoral ? Évidemment, on pourrait répondre par la négative : Un prophète, film à message montrant les ravages de la prison sur les individus, par la corruption, la promiscuité, la misère… Mais au sortir des six années, c’est un dénouement heureux que nous propose Audiard ; l’évolution du jeune Malik n’est pas tragique comme on aurait pu s’y attendre. C’est plutôt le mode d’emploi du parfait truand, avec une illustration de toutes les perspectives offertes par l’administration pénitentiaire aux esprits cupides qu’elle renferme en ses murs. De ce point de vue, le film pourrait verser dans la provocation tant par son immoralité, que par son absence de tragique. Le héros est assailli de remords pendant la première partie du film puis, quand enfin il peut choisir de prendre la décision de tuer, il se trouve libéré, la culpabilité disparaît. Si l’objectif du film est de nous montrer Malik comme un animal pris dans les phares d’une voiture, condamné à aller toujours plus loin et plus vite en baissant la tête, c’est raté. Il peut décider à de nombreuses reprises de sa destinée et il affiche clairement son ambition de sortir de la prison en haut de l’échelle de la voyoucratie.

Enfin, Un prophète sera-t-il un film générationnel ? Le héros est franco-arabe, sa double culture lui permet de naviguer dans tous les milieux. Après avoir été le protégé des « Corses », c’est vers  ses « frères musulmans » qu’il finit par aller, permettant à ces derniers de renverser l’ordre hiérarchique parmi les prisonniers. Ce passage d’un clan à un autre pourrait être vu comme un reflet du communautarisme ambiant. Malik sera-t-il un modèle dans les prisons et les cités de non-droit pour les années à venir ? En prenant le film au pied de la lettre, on répondrait que oui. Mais ce serait une erreur. En effet, la préférence de Malik va aux plus forts, c’est-à-dire aux plus nombreux et dès lors c’est plus en opportuniste qu’en communautariste qu’il agit, se moquant autant des barbus que des Corses du moment qu'il les « contrôle ». 
Il reste encore que Un prophète, par son style (ici on est proche du documentaire), son orchestration impeccable, est ce qu'on appelle couramment un film d’auteur. Scarface a pu être un film générationnel parce que, saturé de scènes spectaculaires et porté par une star (Al Pacino), il visait un grand public. Rien de tel dans ce film qui, sans manquer de fortes scènes ni d'audience (déjà un million de spectateurs), demeure confiné dans l’espace qu’il donne à voir (le huis-clos de la prison), et sans doute aussi dans le public qu’il touche, plus germanopratin bobo que lascar du 9-3.

GV

Images : affiche du film et photo du site officiel.
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mercredi 23 septembre 2009

Pin-up du mois : Phryné


Les amateurs d’art savent que Phryné, courtisane grecque du IVe siècle avant Jésus-Christ, fut la maîtresse de Praxitèle pour qui elle servit de modèle (en particulier pour l’Aphrodite de Cnide). Mais il faut préciser que cette aimable muse eut surtout la réputation d’être une hétaïre exigeante. Les mauvaises langues affirment qu’elle était hors de prix, offrant ses charmes pour la coquette somme de 10 000 drachmes la nuit.
Le fait est que son fructueux commerce lui apporta notoriété et richesse en même temps qu’il lui valut de nombreuses jalousies. La haine d’une partie de la population athénienne à son encontre se solda par un procès resté célèbre : Phryné fut accusée d’impiété comme l’avait été Socrate en son temps.

C’est au cours de ce procès devant les Héliastes (juges athéniens) que, selon la légende, eut lieu une plaidoirie pleine d’audace. Après avoir vainement tenté de démontrer par la parole que sa cliente (et maîtresse) n’avait jamais été impie mais seulement un peu coquette, l’avocat de Phryné (l’orateur Hypéride) eut recours à ce que nous appellerions aujourd’hui un « coup de poker ». Les juges qui composaient le tribunal étaient pour la plupart d’âge canonique et les plaisirs de la chair leur devenaient chaque jour plus lointains. Voir à leur merci la terrible pornée était une joie sans doute grande mais encore insuffisante pour les satisfaire. Hypéride eut donc l’idée de génie de faire mieux : il déshabilla Phryné devant eux. D’un brusque geste, en dévoilant les beautés cachées de la belle hétaïre, il ranima les vieillards cacochymes qui n’en attendaient pas tant. Remercions Gérôme d’avoir peint cette scène qui montre assez leur libidineuse contemplation et rappelle les meilleures illustrations de l’épisode biblique de « Suzanne et les vieillards ». Certes, notre scrupule historique nous force à dire que l’artiste exagère car seuls les seins de Phryné furent exposés aux regards. Il n’en reste pas moins que, complète ou partielle, la nudité de Phryné arracha son acquittement. La légende prétend que, subjugués par tant de beauté, les Héliastes virent en Phryné « l’auguste image de la maternité et de l’amour » et refusèrent de la condamner. Mais une description qui rappelle la poésie du grand Hubert Bonisseur de la Bath nous convainc de penser plus simplement qu’ils l’acquittèrent en remerciement d’un si réjouissant spectacle :
« Devant la beauté de cette gorge de femme, un respect religieux avait saisi les héliastes. Ces seins nus, gonflés de sève et blancs comme le lait, ces deux seins jumeaux, c’était la source sacrée, la fontaine de vie où s’alimentent les générations humaines ».

Lucien JUDE

Ceux qui désirent connaître toute l’histoire de Phryné peuvent consulter avec profit ce lien qui met en ligne la courte biographie de Jean Bertheroy, « Phryné l’Hétaïre » dont sont extraites les citations ci-dessus.
Images : statue de Phryné par Elias Robert, 1855 (source ici ), "Phryné devant l’Aréopage" par Gérôme, 1861 (source ici ).
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dimanche 20 septembre 2009

Le musée inconnu

Au cœur du 16e arrondissement, dans l’ancien village de Passy, « la maison de Balzac » apparaît comme une enclave au milieu d’une rue typiquement haussmannienne. Bâtie à flanc de colline (permettant un double accès qui fut bien utile du temps de son illustre locataire, toujours poursuivi par ses créanciers), elle est bordée d’un petit jardin sympathique quoique fort mal entretenu.
Cette demeure dans laquelle Honoré de Balzac habita entre 1840 et 1847 a été transformée en musée par la ville de Paris. L’entrée est gratuite, comme c’est le cas pour tous les musées de la ville, et nous oserons dire que c’est justice eu égard à son faible contenu.

On est en effet étonné par la pauvreté des objets exposés : quelques tableaux et gravures représentant amis et parents, une demi-douzaine de souvenirs personnels comme une belle « canne aux turquoises », des manuscrits de La vieille fille montrant l’immense travail de correction et puis c’est à peu près tout. Il faut reconnaître que l’exiguïté des lieux interdit toute débauche, mais cette contrainte n’explique pas tout. Ainsi, le cabinet de travail de Balzac, saint des saints de la maison, semble d’un dépouillement excessif si l’on songe au bric-à-brac qu’il fut à l’époque. Certes, on peut voir le bureau sur lequel il écrivit nombre de ses chef-d’œuvres (Une ténébreuse affaire, Splendeurs et misères des courtisanes, La cousine Bette…) ainsi que son buste qui autrefois trônait déjà modestement à cette place. Toutefois, que penser de cette bibliothèque presque vide ? De ce crucifix comme unique décor ? Pour un peu, on se croirait plus certainement dans une cellule de moine que dans l’antre du grand écrivain.
Une salle mérite pourtant le détour : elle présente sur trois murs une longue généalogie des principaux personnages de la Comédie humaine accompagnée de plusieurs centaines de gravures de Charles Huard. On peut retrouver aux côtés des célèbres Rastignac, Rubempré  ou Chabert les figures de Montriveau, Ferragus, Gaudissart et même quelques personnages historiques qui apparaissent dans l’œuvre de Balzac (Jésus, Catherine de Médicis, Robespierre…).

 Alors cette visite vaut-elle le déplacement ? La suite de tableaux de Pierre Alechinsky censée illustrer des extraits du Traité des excitants modernes et exposée dans les salles du bas nous inciterait à répondre catégoriquement que non. Ajoutons que l’excessive proportion de gardiens dans ces lieux étroits n’est rien moins qu’exaspérante : cinq personnes sont employées par la mairie ! Assises sur leurs chaises de fonction, elles passent le plus clair de leur temps à braquer des yeux inquisiteurs sur les malheureux et, avouons-le, rares visiteurs. Cette population contribue pour beaucoup au désagrément de la visite et nous inciterait à la déconseiller vivement. Néanmoins, la maison en elle-même reste une destination intéressante pour les lecteurs de Balzac (auxquels nous recommandons surtout la visite de sa maison de Saché, vrai musée pour le coup). Les plus passionnés n'apprendront rien mais y feront un pèlerinage, les autres seront peut-être tentés d'en savoir plus. Bien préservée avec sa cour et son petit jardin, c’est aussi une étape agréable pour les promeneurs non balzaciens. Comme le disait lui-même l’écrivain dans une lettre à Mme Hanska (1840) qui résume assez bien les lieux et leur donne une dimension historique : « Je tiens à une maison calme, entre cour et jardin, car c’est le nid, la coque, l’enveloppe de ma vie ».


Lucien JUDE


Maison de Balzac : 47 rue Raynouard, 75016 Paris.
Images : bureau de Balzac (source ici ), vue du jardin (photo LJ).
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jeudi 17 septembre 2009

Première de "L'Armée du crime"

Mercredi soir, 16 septembre 2009. Pour la première de L'Armée du crime, nouveau film de Robert Guédiguian, le maire d'Issy-les-Moulineaux André Santini organisait une projection spéciale en son cinéma-amphitéâtre municipal.
Le réalisateur était là, escorté de sa compagne Ariane Ascaride et de l'acteur principal Simon Abkarian, l’interprète de Missak Manouchian dans le film.
L'assistance, très nombreuse, au point que vos serviteurs privés de fauteuil durent s'asseoir sur les marches, comptait un fort parti d'Arméniens venu faire la claque. Sans surprise puisque cette communauté est fort importante et présente de longue date à Issy-les-Moulineaux (ancienne ville ouvrière et communiste, le frère de Manouchian y vivait d’ailleurs pendant la guerre) et entretient visiblement avec son maire des relations suivies et amicales. Lesdites relations furent dévoilées sans vergogne par le verbiage d'un dénommé « Henri », présenté si nous avons bien saisi, comme un (voire LE) survivant du groupe FTP-MOI, mais qui se flattait ce soir-là, comme titre de gloire, d'avoir obtenu la légion d'honneur des mains de M. Santini plutôt que du président Chirac.
Passé ce sordide étalement, M. Guédiguian a tenu un bref discours de présentation sur ce film, mettant en avant ces jeunes héros dévoués à la cause de l’humanité (etc…) et insistant sur leur lien avec le mouvement ouvrier. Ce rappel était bien utile tant cet aspect paraît avoir été négligé dans le film, ainsi que le symbolise une pitoyable « Internationale » timidement fredonnée dans un bistrot. En fait, au delà de l'engagement communiste rappelé de manière très vague, c'est plus généralement toutes les questions politiques qui semblent avoir été gommées, le réalisateur ayant préféré se concentrer sur les figures de ses personnages, plutôt que sur le contexte historique et politique.

Ce choix est peut-être judicieux car, outre qu'on réduit ainsi l'écoeurante moraline habituelle dans ce genre de film, en fin de compte la focalisation sur les héros permet aux spectateurs de s'attacher à cette bande de jeunes gens plutôt sympathiques. Sympathie renforcée par l'amateurisme confondant dont ses membres font preuve, traité dans le film de manière assez humoristique (v. l’épisode de la grenade). Pourtant, il aurait peut-être fallu insister un peu plus sur ce point, car l’insouciance et l’indiscipline de ces très jeunes militants, non rompus à la clandestinité, expliquent plus certainement leur liquidation rapide par la police qu'un lâchage (voire une trahison) par le PC, comme le soutient encore une persistante rumeur... 
Notons au passage que le choix des acteurs est assez réussi, notamment pour les interprètes masculins (Simon Abkarian, Grégoire Leprince-Ringuet, Robinson Stévenin, Adrien Jolivet et l'inévitable Jean-Pierre Daroussin… ). Les rôles féminins restent mineurs, fidèles à la représentation traditionnelle, d’ailleurs vraisemblable, d'une résistance virile où les femmes se bornent aux tâches d'auxiliaires ou au repos du soldat. "Si tu veux tirer ton coup, c'est pas les femmes qui manquent" assure aimablement le futur traître Pétra (qui dévoile ainsi son rôle de félon dès sa première apparition). "Tou trraite ma femme de poute, ye vé te toué !" répond tout aussi classieusement le mari, en lui sautant à la gorge. Pendant ce temps Mélinée Manouchian (Virginie Ledoyen assez quelconque) ravitaille son homme en prison, imprime des tracts et pleure impuissante, selon l’imagerie doloriste classique. Ariane Ascaride s’en tire mieux dans son rôle pourtant tout aussi étroit de « mère de martyr ».
L'enchaînement des attentats, un peu trop flamboyants pour être crédibles, et des arrestations permet cependant de suivre le film sans trop s'ennuyer. Que demande le peuple ? Malheureusement, comme précisé plus haut, on n'échappe pas à quelques bonnes intentions pédagogiques qui, comme de juste, tombent trop souvent à plat. Ainsi de ce général allemand qui, après avoir déclaré qu'il "faut terroriser les terroristes" (M. Pasqua appréciera), insiste longuement sur le rôle décisif de la police française dans la rafle du Vel d'hiv, en donnant force détails aux policiers qui, venant juste d’achever la besogne en question, sont parfaitement au courant et s'ennuient autant que le spectateur de ces "révélations".
Le film se termine sur la lecture de la très belle lettre d'adieu de Manouchian (quoique expurgée de ses imprécations contre le traître et les lâcheurs). Les spectateurs applaudissent bruyamment, avant de se lever précipitamment et de déguerpir en constatant, une fois les lumières allumées, que les stars de la soirée avaient levé le camp pendant la séance et qu'il n'y aurait donc ni débat ni buffet.

Pour ceux qui aiment les films sur la Résistance, on conseillera L'Armée des ombres de Melville (1969), aux couleurs crasseuses et aux belles gueules de gangsters. Ceux qui préfèrent les films sur des jeunes gens courageux, beaux et bêtes mais aux idéaux élevés regarderont avec profit le récent La Bande à Baader de Uli Edel (2008).
Enfin à ceux qui préfèrent lire, on suggérera Liquider les traîtres, la face cachée du PCF, 1941-1943 de J-M Berlière et F. Liaigre, Robert Laffont (2007).

Bruno FORESTIER

Images : le réseau Manouchian présenté à la presse (Studiocanal) et "l'affiche rouge" rendue célèbre par Aragon.
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mardi 15 septembre 2009

L’édition est-elle un sport de combat pour les truffes ?

On ne peut pas y échapper, l’éditeur Gilles Cohen Solal (GCS) est partout.
A l’origine de cet engouement, l’émission Striptease, dans laquelle, ledit GCS se ridiculise à tout va. Afin d’éclairer le lecteur encore ignorant, les Septembriseurs n’hésitent pas à mettre en ligne l’intégralité de ces 40 minutes déjà cultes :

Une phrase de parvenu résume bien la mentalité dont fait preuve M. Cohen : «il vaut mieux être M. Gendre que M. Rien».
Ainsi, ce cher Gilles, né pauvre et devenu gendre de Jean d’Ormesson, vit en face du Jardin du Luxembourg, et passe l’essentiel de son temps cigare au bec à parler d’argent.
Le meilleur de l’émission se trouve dans ses discussions avec les auteurs : M. Cohen s’y montre tour à tour méchant, lâche, concupiscent (pour reprendre son mot) et j’en passe.
Comme il l’explique bien dans son nouveau blog : «Non content d'être con, je ne sais pas faire !». Il est vrai qu’à ce degré-là de bêtise, il vaut mieux se servir les vannes soi-même. Exemple ici : «Je considère qu'après l'émission Striptease, il est temps que je fasse mes conneries à un endroit qui ne portera pas préjudice à la maison d'édition... J'ai donc créé un blog perso (évidemment, comme je suis nul, je ne sais pas le mettre en lien !)».
Pour le défendre, ses amis font de lui le briseur de tabous du microcosme de l’édition. Un briseur bien involontaire semble-t-il.
En complément cet article de Wrath où il est question du «Berlusconi de l’édition» : vous devinez qui !

TV
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dimanche 13 septembre 2009

Zemmour et les deux poils d’Henri IV

Parce que la télévision nous habitue à entendre une quantité élevée de faussetés, mensonges et autres inepties, il nous semble utile d’en relever un récent exemple qui servira de prétexte à la relation d’un épisode peu connu.
Lors de l’émission “On n’est pas couché” du 5 septembre dernier, sur France 2, M. Éric Zemmour, célèbre pour son franc-parler, s’est en effet distingué par une erreur toute historique dont l’immensité, nous n’en doutons pas, le fera rougir dès qu’il s’en apercevra.

Regardons ces images (à partir de la fin de la 4e minute). 
À propos d’un passage du livre de Lorànt Deutsch (Métronome, L’histoire de France au rythme du métro parisien) consacré au sac de la nécropole royale de Saint-Denis sous la Révolution, Laurent Ruquier évoque, ouvrage en main, la profanation du tombeau d’Henri IV. Il explique alors que Maximilien de Robespierre, se trouvant là lors de ces événements, arracha la barbe du bon roi. Heureusement, Lorànt Deutsch et Éric Zemmour interviennent aussitôt pour le corriger puisque, selon eux, Robespierre ne préleva que “deux poils”(on note leur scrupule du détail) avant de les glisser dans sa poche (et Zemmour de faire le geste pour mieux narrer ce haut fait). Cette anecdote ravit Ruquier qui regrette de ne l’avoir pas apprise en cours d’histoire. De fait, chacun conviendra que cette affaire de poils volés par l’Incorruptible est au moins cocasse. Mais voyons plutôt les faits véritables…

Dans la basilique de Saint-Denis, le 12 octobre 1793, les ouvriers mandés par la Convention s’attaquèrent à la démolition de la crypte contenant les corps des Bourbons. Le premier tombeau ouvert fut celui d’Henri IV, mort assassiné le 14 mai 1610. L’assistance fut frappée par le parfait état de conservation du cadavre et, posé contre un pilier, le roi resta ainsi exposé pendant deux jours.
Max Billard, qui raconte cet épisode dans son livre “Les tombeaux des rois sous la Terreur” (1907), ne mentionne nulle part la présence de Robespierre. De la part d’un auteur qui ne cache pas sa haine de la Révolution tout le long de son passionnant ouvrage, il est évident qu’il ne s’agit pas là d’un oubli. On se doute que l’Incorruptible avait d’autres têtes à couper en cette période fort tourmentée de la Révolution. Du reste, il s’opposait ouvertement à la déchristianisation dont le sac de la basilique était un des épisodes (Robespierre fit décréter la liberté des cultes le 8 décembre 1793). Mais plus intéressante est l’anecdote que rapporte l’ouvrage de M. Billard et dont la source, nous dit-on, est absolument digne de foi puisqu’elle émane d’un témoin oculaire de la scène : 
Un soldat […] se précipita sur le cadavre du vainqueur de la Ligue, et, après un long silence d’admiration, il tira son sabre, lui coupa une longue mèche de sa barbe qui était encore fraîche, et s’écria en même temps en termes énergiques et vraiment militaires : “Et moi aussi je suis soldat français ! Désormais, je n’aurai plus d’autre moustache”.
Ce rasage post-mortem (ici attribué à un soldat et dans une proportion plus généreuse que les deux poils déjà évoqués) fut suivi de diverses démonstrations du même acabit : une femme gifla le cadavre et le fit dégringoler du pilier auquel il était adossé, un homme lui enleva deux dents, un autre préleva une manche de sa chemise, etc. Plus intelligent, un sculpteur présent sur les lieux fit le moulage de la tête du roi. Enfin, le cadavre ayant suffisamment amusé la foule, on s’en débarrassa dans une fosse qu’on recouvrit d’un lit de chaux. Comme on le voit, Robespierre ne prit aucune part à ces festivités. L’aurait-il fait, on peut légitimement penser qu’il ne se serait pas abaissé à un geste aussi ridicule ! Il est vrai que Camille Desmoulins préleva plus tard un doigt (oui, un doigt !) au cadavre de Turenne, cadavre qui fit l’objet d’un marché juteux ; mais Desmoulins était-il bien sérieux ?

Quoi qu’il en soit, voilà comment le chef de la Montagne, par la grâce de Lorànt Deutsch et Éric Zemmour (mais qui est à l’origine de cette légende ?), est désormais considéré comme un vulgaire collectionneur de reliques royales…

KLÉBER

Source : Les tombeaux des rois sous la Terreur, Max Billard, Éd. Perrin (1907).
Image : « Henri IV exhumé », d’après le dessin d’un témoin oculaire, gravé au début de la Restauration.
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vendredi 11 septembre 2009

Ouverture

Voici les Septembriseurs !
Comme de juste, ils sont révolutionnaires et aiment les massacres. Qui sommes-nous ? Vous le saurez bientôt. Que proposons-nous ? Des fausses nouvelles, de la critique, des aventures (palpitantes), et beaucoup de réflexions aussi justes qu'inédites. Mais n'en disons pas plus pour le moment. Ainsi que l'eût dit un général français avec l'enthousiasme traditionnel de sa caste : "J'attaque !".
La Rédaction
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