Les amateurs d’art savent que
Phryné, courtisane grecque du IVe siècle avant Jésus-Christ, fut la
maîtresse de Praxitèle pour qui elle servit de modèle (en particulier pour
l’Aphrodite de Cnide). Mais il faut préciser que cette aimable muse eut surtout
la réputation d’être une hétaïre exigeante. Les mauvaises langues affirment
qu’elle était hors de prix, offrant ses charmes pour la coquette somme de 10
000 drachmes la nuit.
Le fait est que son fructueux
commerce lui apporta notoriété et richesse en même temps qu’il lui valut de
nombreuses jalousies. La haine d’une partie de la population athénienne à son
encontre se solda par un procès resté célèbre : Phryné fut accusée
d’impiété comme l’avait été Socrate en son temps.
C’est au cours de ce procès
devant les Héliastes (juges athéniens) que, selon la légende, eut lieu une
plaidoirie pleine d’audace. Après avoir vainement tenté de démontrer par la
parole que sa cliente (et maîtresse) n’avait jamais été impie mais seulement un
peu coquette, l’avocat de Phryné (l’orateur Hypéride) eut recours à ce que nous
appellerions aujourd’hui un « coup de poker ». Les juges qui
composaient le tribunal étaient pour la plupart d’âge canonique et les plaisirs
de la chair leur devenaient chaque jour plus lointains. Voir à leur merci la
terrible pornée était une joie sans doute grande mais encore insuffisante pour
les satisfaire. Hypéride eut donc l’idée de génie de faire mieux : il
déshabilla Phryné devant eux. D’un brusque geste, en dévoilant les beautés
cachées de la belle hétaïre, il ranima les vieillards cacochymes qui n’en
attendaient pas tant. Remercions Gérôme d’avoir peint cette scène qui montre
assez leur libidineuse contemplation et rappelle les meilleures illustrations
de l’épisode biblique de « Suzanne et les vieillards ». Certes, notre
scrupule historique nous force à dire que l’artiste exagère car seuls les
seins de Phryné furent exposés aux regards. Il n’en reste pas moins que,
complète ou partielle, la nudité de Phryné arracha son acquittement. La légende
prétend que, subjugués par tant de beauté, les Héliastes virent en Phryné
« l’auguste image de la maternité et de l’amour » et refusèrent de la
condamner. Mais une description qui rappelle la poésie du grand Hubert
Bonisseur de la Bath nous convainc de penser plus simplement qu’ils
l’acquittèrent en remerciement d’un si réjouissant spectacle :
« Devant la beauté de cette gorge de femme, un respect religieux avait saisi les héliastes. Ces seins nus, gonflés de sève et blancs comme le lait, ces deux seins jumeaux, c’était la source sacrée, la fontaine de vie où s’alimentent les générations humaines ».
Lucien JUDE
Ceux
qui désirent connaître toute l’histoire de Phryné peuvent consulter avec profit
ce lien qui met en ligne la courte biographie de Jean Bertheroy, « Phryné
l’Hétaïre » dont sont extraites les citations ci-dessus.
Astérix aurait dit 40000 sesterces pour Phryné soit 4800 F de 1825, soit 6816 euros la nuit (environ). Elle s'embêtait pas la fille !
RépondreSupprimerJe préfère Bonisseur de la Bath : "ces mamelles roses de vie, gorgées d'envie". Ça vous pose un poète.
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