mercredi 23 septembre 2009

Pin-up du mois : Phryné


Les amateurs d’art savent que Phryné, courtisane grecque du IVe siècle avant Jésus-Christ, fut la maîtresse de Praxitèle pour qui elle servit de modèle (en particulier pour l’Aphrodite de Cnide). Mais il faut préciser que cette aimable muse eut surtout la réputation d’être une hétaïre exigeante. Les mauvaises langues affirment qu’elle était hors de prix, offrant ses charmes pour la coquette somme de 10 000 drachmes la nuit.
Le fait est que son fructueux commerce lui apporta notoriété et richesse en même temps qu’il lui valut de nombreuses jalousies. La haine d’une partie de la population athénienne à son encontre se solda par un procès resté célèbre : Phryné fut accusée d’impiété comme l’avait été Socrate en son temps.

C’est au cours de ce procès devant les Héliastes (juges athéniens) que, selon la légende, eut lieu une plaidoirie pleine d’audace. Après avoir vainement tenté de démontrer par la parole que sa cliente (et maîtresse) n’avait jamais été impie mais seulement un peu coquette, l’avocat de Phryné (l’orateur Hypéride) eut recours à ce que nous appellerions aujourd’hui un « coup de poker ». Les juges qui composaient le tribunal étaient pour la plupart d’âge canonique et les plaisirs de la chair leur devenaient chaque jour plus lointains. Voir à leur merci la terrible pornée était une joie sans doute grande mais encore insuffisante pour les satisfaire. Hypéride eut donc l’idée de génie de faire mieux : il déshabilla Phryné devant eux. D’un brusque geste, en dévoilant les beautés cachées de la belle hétaïre, il ranima les vieillards cacochymes qui n’en attendaient pas tant. Remercions Gérôme d’avoir peint cette scène qui montre assez leur libidineuse contemplation et rappelle les meilleures illustrations de l’épisode biblique de « Suzanne et les vieillards ». Certes, notre scrupule historique nous force à dire que l’artiste exagère car seuls les seins de Phryné furent exposés aux regards. Il n’en reste pas moins que, complète ou partielle, la nudité de Phryné arracha son acquittement. La légende prétend que, subjugués par tant de beauté, les Héliastes virent en Phryné « l’auguste image de la maternité et de l’amour » et refusèrent de la condamner. Mais une description qui rappelle la poésie du grand Hubert Bonisseur de la Bath nous convainc de penser plus simplement qu’ils l’acquittèrent en remerciement d’un si réjouissant spectacle :
« Devant la beauté de cette gorge de femme, un respect religieux avait saisi les héliastes. Ces seins nus, gonflés de sève et blancs comme le lait, ces deux seins jumeaux, c’était la source sacrée, la fontaine de vie où s’alimentent les générations humaines ».

Lucien JUDE

Ceux qui désirent connaître toute l’histoire de Phryné peuvent consulter avec profit ce lien qui met en ligne la courte biographie de Jean Bertheroy, « Phryné l’Hétaïre » dont sont extraites les citations ci-dessus.
Images : statue de Phryné par Elias Robert, 1855 (source ici ), "Phryné devant l’Aréopage" par Gérôme, 1861 (source ici ).
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2 commentaires:

  1. Astérix aurait dit 40000 sesterces pour Phryné soit 4800 F de 1825, soit 6816 euros la nuit (environ). Elle s'embêtait pas la fille !

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  2. Je préfère Bonisseur de la Bath : "ces mamelles roses de vie, gorgées d'envie". Ça vous pose un poète.

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