vendredi 24 décembre 2010

Noël chez les libraires

Cette période est comme toujours propice aux nouveautés dans le monde de l’édition : inédits, rééditions, compilations, viennent envahir les présentoirs. Par devoir et par altruisme (c’est Noël), les Septembriseurs vous signalent quelques-uns de ces livres, sans oublier d’en mentionner certains qui ont pu sortir plus tôt dans l’année. D’avance prévenons le lecteur qu’il sera beaucoup question de livres de poche, notre prédilection en ce domaine étant après tout des plus légitimes : pratique, relativement peu coûteux, bien présenté, le livre de poche l’emporte très souvent face aux austères éditions sur papier chic que d’anachroniques éditeurs continuent de répandre avec une largesse démesurée.

Les admirateurs de Stendhal peuvent enfin se féliciter de la sortie de son Journal en poche, chez folio, bien que le millier de pages qui le compose ne rende pas sa tenue très pratique (deux tomes eussent été souhaitables, mais folio a ses manies…). Quelques pinailleurs pourraient néanmoins déplorer le manque d’exhaustivité du texte. En effet, préfacée par Dominique Fernandez, cette édition d’Henri Martineau déjà publiée par la Pléiade (Œuvres intimes, 1955) représente ce que Victor Del Litto a appelé le Journal « élaboré » et couvre la période 1801-1823. Or, dans la version que ce dernier avait donné en 1981 à la Pléiade, le Journal « élaboré » était enrichi d’un Journal « reconstitué » (composé d’annotations, fragments et notes retrouvés dans les manuscrits et livres), au point de prolonger le Journal jusqu’à la mort de l’écrivain en 1842. Quoi qu’il en soit, cette première édition en poche reste des plus louables. En outre, comme le souligne Xavier Bourdenet, qui a supervisé ladite édition, cette version du Journal a le mérite d’être révisée puisque certains manuscrits jusqu’ici demeurés inaccessibles ont pu être consultés et de nombreuses erreurs de retranscriptions ainsi corrigées.

Plusieurs auteurs dont nous avons parlé sur ce blog ont connu cette année de nouvelles éditions en poche alors même qu’ils paraissaient rangés pour de bon au purgatoire. Tout d’abord, il s’agit évidemment de Paul Bourget dont Le disciple a été republié dans la collection Livre de poche avec une intéressante préface d’Antoine Compagnon. De son côté, Le désespéré de Léon Bloy est ressorti chez GF, tandis que La femme et le pantin de Pierre Louÿs a vu une double réédition en septembre, chez Livre de poche et folio. Toujours à la rentrée, le premier roman de Gabriel Chevallier, La peur, qui raconte son expérience de soldat lors de la Première Guerre Mondiale, a connu sa première réédition en poche depuis 1968 en grande partie grâce au Dilettante qui l’avait exhumé voici deux ans (livre de poche).
Un inédit de Malaparte est venu rejoindre les incontournables Kaputt et La peau en poche : Le compagnon de voyage, court récit écrit peu après la guerre qui narre, en 1943, le périple d’un soldat ramenant la dépouille de son lieutenant depuis le sud de l’Italie jusqu’à Naples. Sans être extraordinaire, ce livre devrait au moins satisfaire les amateurs de l’écrivain italien qui y retrouveront cette période immortalisée dans La peau : l’Italie de la débâcle.

En dehors des livres de poche, signalons la réédition des Poneys sauvages de Michel Déon dans une version légèrement remaniée par l’auteur (Gallimard, Nrf). Ce grand roman demeure des plus passionnants pour qui s’intéresse à l’histoire politique, plus précisément aux trente années qui s’écoulèrent entre 1940 et 1970 : Seconde Guerre Mondiale, guerre froide, décolonisation, les destins des cinq personnages principaux sont bringuebalés au gré de ces événements.
Un autre auteur qu’on aurait pu croire enterré et qui, à la réflexion, s’en sort à merveille si l’on en juge par le nombre de rééditions est Maurice Barrès. Considéré à juste titre comme l’un des plus éminents bourreurs de crâne du parti nationaliste, cet écrivain garde pour lui quelques bons romans (La colline inspirée entre autres) et des récits de voyage au charme désuet. Voici que ses Cahiers sont réédités dans une belle présentation en deux tomes aux Éditions des équateurs (tome 1, 1900-1911, avec une préface d’Antoine Compagnon (encore), sortie du tome 2 en janvier 2011).
Enfin, pour les inconditionnels de la Pléiade, rappelons que les œuvres complètes de Boris Vian sont désormais disponibles dans cette collection de luxe. La mode des « appareils critiques » dont on connaît bien les ravages explique pourquoi la mince œuvre romanesque de cet auteur nous vaut deux volumes entiers… Espérons que chacun y trouve son compte !

Lucien JUDE

Images : couverture du Journal de Stendhal (source ici), couverture du Compagnon de voyage de Malaparte (source ici), couverture de la nouvelle édition des Poneys sauvages de Déon (source ici).
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mardi 14 décembre 2010

Georges Darien seul contre tous

Dans la grande famille des écrivains oubliés de notre littérature, Georges Darien, de son vrai nom Georges Hippolyte Adrien (1862-1921), occupe une place toute particulière. Un peu plus jeune que Léon Bloy, animé de la même verve pamphlétaire, pauvre lui aussi, il ne connut jamais une gloire semblable à celle de son illustre aîné. Ce n’est pourtant pas tant le talent qui les a distingués, mais peut-être les appuis, les amis. Bloy fut le disciple de Barbey d’Aurevilly et c’est à ce dernier qu’il dut son lancement dans les lettres, là où Darien, farouchement indépendant, mena sa carrière, à la lettre, seul contre tous. Le résultat est aujourd’hui devant nous.
Né en 1862 au sein de la petite bourgeoisie protestante, Georges Darien entra très jeune en rébellion, d’abord contre l’armée, ensuite contre la société entière, c’est-à-dire en vrac les cléricaux, les nationalistes, les antisémites, les marxistes, les bourgeois, les pauvres, etc. Révolté par l’hypocrisie, la bassesse et la lâcheté de ses contemporains, il accompagna de ses écrits les tumultes du mouvement anarchiste qui à coups d’attentats et d’assassinats fit trembler l’Europe à la fin du XIXe siècle. De son vivant, son œuvre ne lui valut pas plus qu’un succès d’estime auprès d’auteurs comme Alfred Jarry ou Alphonse Allais. Renié par sa famille, ignoré par la critique qui ne pouvait lire sans rougir ses livres assassins, il vivota quelque temps en publiant des articles, puis disparut à plusieurs reprises à l’étranger. On suppose qu’il fut voleur à l’instar de Randal, héros de son roman aujourd’hui le plus célèbre, quoiqu’à notre avis le moins bon, Le voleur. Lorsqu’il mourut en 1921, Darien n’avait donc rien à perdre ; c’était déjà un inconnu.

C’est à Jean-Jacques Pauvert, grand et courageux éditeur s’il en fut, que l’on doit la redécouverte de cet écrivain. L’essentiel de son œuvre fut republié chez 10/18 à partir des années 1960, Le voleur ayant même droit aux honneurs de la collection Folio de Gallimard. Si ce dernier livre a connu un succès plus large, il le doit sans doute à son originalité (les péripéties d’un voleur, pas gentleman, mais qui vole surtout les bourgeois), aux déclarations enthousiastes d’André Breton, à la belle adaptation de Louis Malle pour le cinéma, mais encore et surtout à son ton, très critique à l’égard de la société bourgeoise et des mouvements politiques (nationalistes, socialistes et même anarchistes). Toutefois, ce roman reste bien moins virulent que la plupart des autres livres de Darien, ce qui n’est probablement pas étranger non plus à sa meilleure diffusion…

Le pamphlet, voilà en effet l'art où Georges Darien excelle en virtuose. Chacun de ses ouvrages, qu’il emprunte ou non le genre du roman, est l’occasion de le prouver. L’auteur y règle ses comptes, mais au-delà des seules considérations personnelles, c’est surtout son profond désir de vérité, sa sincérité désespérée, qui lui donnent ses armes les plus redoutables.
Ainsi, depuis son premier jusqu’à son dernier livre, Darien combattit la société bourgeoise et ses corps. Il commença par s’attaquer à l’armée, institution qu’il exécrait pour d’excellentes raisons : alors qu’il effectuait son service militaire, il fut chassé de son régiment pour insoumission et aussitôt expédié au bagne où 33 mois durant il subit le régime des forçats. En 1888, il tira de cette expérience son premier roman, Biribi, discipline militaire, terrible description de ces camps militaires d’Afrique du Nord où les soldats insoumis purgeaient leur peine : travaux forcés, humiliations, mauvais traitements, tout le régime savamment imaginé par l’armée pour briser les fortes têtes y est dénoncé avec fracas. Par son sujet polémique, ce premier livre ne passa pas totalement inaperçu, ayant en outre suivi de près la publication de Sous-offs de Lucien Descaves qui fit grand scandale.
Les livres suivants poursuivirent dans cette voie. Après Bas les cœurs ! (1889) qui décrit les lâchetés et compromissions de la bourgeoisie versaillaise en 1870-71, Les Pharisiens (1891) dénonce l’antisémitisme des milieux journalistiques et littéraires. Tous les personnages y sont facilement identifiables, à commencer par l’Ogre, incarnation très amusante d’Édouard Drumont, qui plastronne depuis le succès magistral de son livre La Gaule sémitique (La France juive, faut-il le dire ?). Léon Bloy fait quant à lui une sympathique apparition sous les traits transparents de Marchenoir, tandis que Vendredeuil, le jeune écrivain écœuré par les méthodes crapuleuses des antisémites, n’est autre que Darien lui-même. Ce livre, très mal vendu, donna à l’écrivain quelques amis (Bernard Lazare notamment) et beaucoup de nouveaux ennemis…

Enfin, somme de ces romans, le véritable pamphlet vint en 1898 : La belle France. Mûri pendant de longues années, cet ouvrage touffu et foisonnant vomit un torrent de révolte. Cette fois-ci, tous les sujets y passent : condition féminine, nation, antisémitisme, armée, colonialisme, Église, marxisme… Il contient tant de colère, tant d’impitoyables jugements, qu’il est bien difficile d’en résumer la substance. Le mieux est encore d’en donner quelques extraits.

Ainsi, l’armée, naturellement, reste un sujet de prédilection :
« On pourrait exposer sans peine […] de quelle façon les officiers ont à maintes reprises, et surtout depuis ces dernières années, fait de la France la risée du monde entier. Depuis 1871, ils mascaradent comme les représentants attitrés, le symbole vivant de la patrie. On a osé écrire qu’ils portent dans leurs fourreaux l’honneur et l’avenir de la France. On a osé écrire ça. J’écris que ce qu’ils ont dans leurs fourreaux, c’est une lame mal trempée, qui fut présentée aux Prussiens la poignée en avant, qui donna le signal du feu contre les Français de Paris, de Fourmies et d’ailleurs, qui égorgea des nègres sans défense et coupa leurs bourses après avoir coupé leurs gorges. J’écris que cette lame qu’Esterhazy, à l’image de tant d’autres, sut utiliser comme pince-monseigneur, et qu’Anastay essaya vainement de croiser avec le couperet du bourreau, sera brisée par l’épée de l’ennemi ou rompue entre les poings du peuple. Cette lame, dont les moulinets émerveillent la foule imbécile, n’est pas l’arme dont doit se servir la France dans une lutte qui est proche, probablement, et qui sera suprême, certainement. Ces officiers ne sont pas ceux qui doivent mener au feu les troupes de la République française dans une guerre où elles combattront, forcément, pour la liberté et l’égalité. »
Mais plus originaux sont les développements consacrés au socialisme marxiste, développements qui furent d’ailleurs habilement escamotés de l’édition donnée par Jean-François Revel dans les années 1960, sous l’officiel prétexte que « la verve de Darien [n’y était] pas sur son meilleur terrain ». Que l’on juge plutôt :
« La lutte des classes est un des dogmes fondamentaux du socialisme. Pourquoi les classes doivent être en lutte, c’est ce que personne ne pourrait dire ; mais il ne faut pas discuter les dogmes. On ne pourrait pas dire davantage pourquoi il y aurait un parti socialiste ; pourquoi il y aurait, en face des différents partis des riches, d’autre parti que celui de tous les opprimés ; et pourquoi, même, ces opprimés, jusqu’au moment au moins où ils pourront agir, formeraient un parti. Il est probable qu’un parti exclusif, dogmatique, autoritaire, est nécessaire à la vanité risible et à l’ambition creuse des ouvriers sans honte et des bourgeois honteux qui se sont donné la mission d’émasculer les pauvres et de museler la misère. »
Sans surprise, ce livre fut d’abord refusé par les éditions de la Revue Blanche dans une lettre qui pourrait servir de modèle de dérobade aux plus professionnels des lâches. Lorsqu’il fut enfin publié en 1900 (chez Stock), un seul article en signala l’existence ; il fut aussitôt relégué à la place qui d’avance semblait devoir lui être assignée : les oubliettes. Maintenant qu’il en est enfin sorti, il n’est que temps de le découvrir. Si l’on veut en effet connaître la pensée de cet écrivain bien injustement bâillonné, c’est La belle France qu’il faut lire en premier. Darien ne s’y contente d’ailleurs pas de dénoncer, il y propose, expose les réformes qui doivent venir et qui, de fait, viendront pour certaines (séparation de l’Église et de l’État, libération des femmes, fin des colonies…). On est stupéfait par la modernité de ses jugements, par la justesse de ses propos, à une époque où même chez les plus humanistes des intellectuels les préjugés ne manquaient guère. Enfin, les prophéties sont légion elles aussi, et combien vérifiées hélas ! L’avenir de la France, selon Darien, se résumerait peut-être dans cette phrase :
 « Si le nom français ne doit pas être à jamais rayé de l’histoire, il faut que la France des Nationalistes, c’est-à-dire la France de Rome, trouve demain devant elle la France des Juifs, des Protestants, des Intellectuels et des Cosmopolites, c’est-à-dire la France de la Révolution – et qu’elle triomphe, si elle peut ; ou qu’on lui foute les tripes au soleil, une fois pour toutes. »
 On voit comme il serait réducteur de qualifier La belle France de simple pamphlet. C’est Darien lui-même qui conclut sur ces mots qui lui ressemblent tant : « Je ne sais pas si c’est un livre, je voudrais que ce fût un cri ».

Lucien JUDE

Images : portrait de Darien (source ici), couverture du Voleur chez Pauvert (source ici), couverture de Biribi chez 10/18 (source ici), couverture de La belle France, éditée chez Pauvert avec d'importantes coupures (source ici), puis chez 10/18 en version intégrale (source ici).
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mercredi 8 décembre 2010

La caricature mystère

Ce mois-ci, deux caricatures pour deux thèmes : la littérature et l'histoire. Le premier dessin représente un homme de lettres : de qui s'agit-il ? Le second représente un événement historique : lequel ? Gloire à ceux qui trouveront en plus les revues ou journaux dans lesquels parurent ces caricatures. Au travail !


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vendredi 3 décembre 2010

Pin-up du mois : Alexandra Kollontaï

Née en 1872, fille unique d'une famille d'origine carélienne intégrée à la haute administration militaire tsariste, c'est peu dire que la jeune Alexandra Kollontaï vécut une enfance heureuse et soignée à Saint-Pétersbourg. Elle bénéficia d'une éducation poussée et baigna dans un milieu sensiblement libéral, ce qui lui donna assez de force de caractère pour refuser un mariage arrangé à l'âge de 17 ans, puis pour épouser quelques années plus tard un jeune ingénieur de bel aspect, mais désargenté, dont elle eut un fils en 1893.
Cependant, la jeune femme, très vite lassée de sa vie de famille, après avoir milité dans les organisations de secours mutuels, abandonna rapidement homme et enfant pour effectuer un tour d'Europe et aller étudier entre autres l'économie politique à l'Université de Zurich. Ce fut notamment en Suisse qu'elle fréquenta les milieux de l'émigration politique russe, notamment Georges Plekhanov, le fondateur de la social-démocratie russe, puis le gratin du socialisme européen (Paul Lafargue, Karl Liebknecht…).
Adhérente au Parti social-démocrate russe dès 1898, avant de rejoindre la fraction menchevique lors de la scission de 1903, elle arpente les salles des congrès de la Seconde Internationale en laissant traîner derrière elle un léger parfum de scandale dû à ses mœurs jugées très libres pour l'époque (ce qu'elle appelle la "monogamie successive") et multiplie les conquêtes parmi les dignitaires de l'Internationale. Il est vrai que cette grande et belle femme à l'air décidé ne devait pas laisser indifférents les graves orateurs, avec ses yeux clairs, ses lèvres charnues et ses traits légèrement mais délicieusement asymétriques.
Si elle ne joue aucun rôle notable dans la Révolution de 1905, elle participe cependant à la création de "l'Internationale Socialiste des femmes", le 17 août 1907 à Stuttgart, et contribuera de manière non négligeable aux nombreuses campagnes menées pour l'émancipation des femmes, lesquelles auront des répercussions surprenantes quelques années plus tard, lorsque le 8 mars 1917 la grève des ouvrières de Petrograd déclenchera les débuts de la Révolution russe.

Au côté de Klara Zetkin, cette "Jaurès en jupon" se fait la défenseuse de l'internationalisme prolétarien dans les années qui précèdent la Première Guerre Mondiale, alors que la confusion et le doute commencent à gangrener nombre des partis socialistes, à commencer par les plus importants : SFIO et SPD notamment. Sans surprise, elle rallie dès 1915 la fraction bolchevique, seul parti russe demeuré opposé à la guerre, devenant la correspondante pour la Scandinavie de Lénine réfugié en Suisse.
Revenue en Russie au printemps 1917, elle est nommée au comité central du Parti bolchevique quelques semaines avant la Révolution d'Octobre et devient la première femme membre d'un gouvernement en obtenant le Commissariat du peuple à l'assistance publique. Son action politique dans les premiers temps favorise l'apparition de droits nouveaux pour la femme soviétique : droit de vote et éligibilité, accès à l'éducation et égalité des salaires, divorce par consentement mutuel, égalité entre les enfants légitimes et naturels et droit à l'avortement. Cette politique avancée est accompagnée de polémiques bien plus audacieuses encore puisqu'elle prône la disparition du mariage et de la fidélité, ce qui ne plaît que très médiocrement aux autres dirigeants du Parti qui ont des vues plus classiques sur la question. La presse soviétique se fera souvent l'écho en des termes assez orduriers de ce conservatisme ("La Kollontaïnette" est encore son surnom le plus doux…).

Du reste, elle perd son poste au gouvernement dès le printemps 1918 en se ralliant sottement à l'opposition de gauche du Parti (opposée à la paix de Brest-Litovsk) puis à l'opposition ouvrière (défendant le pluralisme politique des partis révolutionnaires et l'autonomie des syndicats). Très minoritaire, elle se brouille définitivement avec Lénine qu'elle qualifie de "défenseur du capitalisme" en 1921.
Affaiblie politiquement et menacée d'exclusion, elle est finalement envoyée comme ambassadrice en Norvège à partir de 1922, où elle écrit quelques romans (notamment un improbable Amours des abeilles laborieuses) et mène des opérations diplomatiques sensibles qui lui vaudront une excellente réputation dans les pays scandinaves — c'est notamment elle qui prépare l'armistice concluant la "Guerre d'Hiver" de 1940 — au point qu'elle sera très sérieusement présentée comme nobélisable en 1946.
Alors qu'elle avait réussi dans les années 30 à échapper aux purges (en raison de sa capitulation totale face à Staline dès 1924 comme de la relative notoriété dont elle jouissait), elle est directement visée par le Procès des blouses blanches en préparation au début des années 50. Elle n'y échappe que de peu en décédant judicieusement le 9 mars 1952 à Moscou, dans l'isolement le plus complet.

Bruno FORESTIER

Images : photographie non datée (source ici), autres photos sans dates (source ici et ), Marxisme & révolution sexuelle par Alexandra Kollontaï chez Maspéro (source ici).
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dimanche 28 novembre 2010

Ganache du mois : Vorochilov

Cédant à la redoutable manie des commémorations faciles, nous orientons ce mois-ci nos deux rubriques phares vers la Révolution d'Octobre 1917, en examinant deux éminents spécimens de bolcheviques : l'intéressante Alexandra Kollontaï (article à paraître dans la semaine) et l'improbable Kliment Vorochilov. Ces deux dignitaires du Parti communiste soviétique présentent, en dépit d'origines passablement dissemblables et de physiques résolument divergents, quelques points communs amusants.

Kliment Iefremovitch Vorochilov, naquit le 23 janvier 1881, à Dniepropetrovsk (ancienne Verkhneïé), au coeur de l'Ukraine industrielle dans une famille d'ouvriers d'origine paysanne. La vie obscure, triste et sale qu'il mène dans ses premières années — partagée entre le rude labeur et la mendicité — se serait sans doute longtemps poursuivie, si le pourrissement du régime tsariste et les vents révolutionnaires qui commençaient à balayer la vieille Russie ne l'avaient pas conduit à rejoindre les rangs du Parti social-démocrate russe en 1903.
Comme nombre de militants des partis illégaux, il connaît rapidement les prisons du régime, qu'on surnomme alors "les écoles de la Révolution", et où effectivement il apprendra à lire et à écrire… Mais guère plus d'après les mauvaises langues du Parti.

Mobilisé en 1914, il ne semble pas jouer un rôle marquant sur le front pas plus qu'au sein des troubles ouvriers qui agitent les grandes villes, jusqu'au début de la Révolution, en février 1917. L'histoire le déniche enfin lors du fameux siège de Tsaristyne (future Stalingrad), où il dirige l'Armée rouge avec un dénommé Staline...  Pendant plusieurs mois, et malgré son écrasante supériorité numérique, il défend à grand-peine la ville contre les blancs de Denikine. Il est vrai que son alcoolisme et ses conceptions plus que sommaires de l'art de la guerre (l'attaque sabre au clair), comme son refus affirmé de recourir à la discipline militaire et à l'intégration de "spécialistes" (c'est-à-dire des officiers tsaristes ralliés), y ont été pour beaucoup. La nullité dont les deux dirigeants font preuve durant cette bataille de plusieurs mois sera non pas oubliée mais glorifiée dans d'interminables poèmes, chansons et romans. Et Vorochilov, aidé par la fraternité d'ivrognes qui le liera désormais toute sa vie à Staline, entamera une fructueuse carrière de courtisan.
Dès 1921, le voilà membre du comité central du Parti. En 1925, il obtient le commissariat du peuple à la guerre et la présidence du conseil militaire révolutionnaire (arrachée à Trotski) et intègre dès l'année suivante le bureau politique, où il battra tous les records de longévité en y restant vissé jusqu'à l’année 1952, en dépit des purges quasi permanentes.

Placé à la tête de l'Armée rouge, Vorochilov met un point d'honneur à reproduire en grand les méthodes qui lui ont si bien réussi pendant la guerre civile : ainsi, il s'oppose avec une constance exemplaire à tous les efforts de modernisation voulus par Toukhatchevski, son point de vue prévalant définitivement lors de la purge de 1937 qui décapite l'ensemble de l'état-major et un tiers du corps des officiers.
Fort de ce beau succès, le désormais maréchal Vorochilov orchestre la fructueuse campagne de 1939 vers l'Ouest durant laquelle les États Baltes et la Pologne orientale sont annexés — il est l'un des coresponsables du massacre de Katyn. Las, la désastreuse "Guerre d'hiver" en Finlande entraîne sa disgrâce partielle. Placé à la tête des armées du Nord-Ouest, l'offensive allemande de juin 1941 est une nouvelle chance pour lui de témoigner de son incroyable incapacité. Les Allemands assiègent Leningrad dès le 8 septembre (siège qui durera tout de même 900 jours) et il faudra toute l'énergie du général Joukov, un des rares survivants des purges, pour sauver la ville. Symbole de ce désastre, le sort du KV, unique blindé trouvant grâce aux yeux du maréchal, parce qu'il avait été baptisé de son nom, et dont la taille monstrueuse, la lenteur et l'absence de mobilité en firent une cible de choix lors des premières semaines de l'opération Barbarossa.

Totalement déconsidéré, Staline le laisse pourtant encore sévir en 1944 dans le domaine militaire (il rate magistralement une offensive pour tenter de briser le siège de Leningrad), avant de redéployer ses talents dans les opérations de police : il participe à la "soviétisation" de la Hongrie en 1945. Sans doute n'est-il pas assez convaincant, car son vieux complice, devenu oublieux ou ingrat, entend le faire figurer en bonne place dans les nouveaux procès de Moscou qui se préparent à partir de 1952-1953, à titre d'"agent de l'impérialisme anglais". La mort du tyran lui permet d'y échapper de justesse.
Ragaillardi, ce comploteur maladif fait parti de la clique Khrouchtchev-Malenkov qui liquide Beria en 1953, avant de se joindre à celle Molotov-Malenkov contre Khrouchtchev en 1957. Il s'en retire à temps, mais est finalement évincé par le jeune Brejnev en 1960 et exclu (enfin) du comité central, comité dans lequel il revient pourtant lorsque Khrouchtchev est à son tour renversé en 1964 !
Fait "Héros de l'Union Soviétique" une seconde fois en 1968 — personne n'avait peur du ridicule cette année-là, semble-t-il — il décède paisiblement dans son lit à 88 ans, après avoir, c'est l'essentiel, bien travaillé.

Bruno FORESTIER

Images : portrait officiel du général Vorochilov (source ici), Staline et Vorochilov se racontant de bonnes blagues lors d'une réunion (source ici), Vorochilov et son état-major prenant des poses méditatives (source ici), le même arborant sa belle collection de médailles (source ici).
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mardi 23 novembre 2010

Quelques mots sur "Vénus noire"

L'étonnant et bref de débat de société qui a animé ces lieux durant quelques jours, m'a poussé à aller voir — escorté de F. évidemment, fidèle compagnon des bons et mauvais films — Vénus Noire d'Abdellatif Kechiche.
Le résultat apparaît des plus décevants, compte tenu de la réputation du réalisateur et du choix du sujet qui laissait pourtant amplement matière à d'intéressantes polémiques. Passons sur la mise en scène un peu lourde, pompiériste même par moments, qui relate la déchéance de Saarje Bartman, jeune Hottentote d'abord exhibée comme bête de foire à Londres, avant d'être prostituée à Paris et disséquée par M. Cuvier. Malgré des longueurs récurrentes, la tension dramatique se maintient, les costumes sont bien faits et les acteurs plutôt convaincants. Mais ces qualités et défauts n'ont que peu d'importance face au propos du film.
Focalisé sur le personnage de Saarje Bartman, Abdellatif Kechiche réussit l'exploit de ne susciter aucune sympathie pour celle-ci, en dépit des gros plans systématiques sur le beau visage de l'actrice Yahima Torres, en s'obstinant à lui refuser tout caractère propre. Il est certes difficile de ressusciter une icône lointaine, connue uniquement par les témoignages du début du XIXe siècle et colportant leurs lots de préjugés, mais c'était là toute la gageure d'un tel film. Or, le réalisateur, comme la plupart des orientalistes renversés qui sévissent aujourd'hui, manie l'antiracisme à la truelle, en balançant à l'écran de grandes séquences narratives qui se suffiraient à elles-mêmes pour dévoiler les mécanismes des fantasmes occidentaux. Las, ce procédé non seulement transforme Saarje Bartman en caricature de "bon sauvage", dont la docilité et les tentatives de révolte paraissent aux spectateurs totalement incompréhensibles, mais réduit également tous les personnages l'entourant au même état caricatural, qu'il s'agisse du petit peuple londonien, des parvenus de l'Empire à Paris, ou de Georges Cuvier présenté en scientifique glacial et légèrement obsédé. Entre les deux extrêmes de l'héroïne filmée à bout portant et de la foule balayée de loin, ce sont finalement les personnages des trois crapules qui exploitent Saarje, qui finissent par apparaître comme les plus attachants et les plus vivants...

L'impression de gâchis est accentuée par le fait qu'à plusieurs reprises le film s'offre des possibilités de poser des questions bien plus intéressantes — on pense notamment à la scène du procès et aux subtiles différenciations qui sont faites entre l'esclavage et le salariat ou aux rapports amoureux qui semblent lier l'héroïne à ses exploiteurs — mais qui sont toutes brutalement abandonnées pour offrir à nouveau aux spectateurs blasés les images répétées ad nauseam de l'avilissement de la malheureuse. On touche là d'ailleurs un des points les plus révélateurs du conformisme de la réalisation, puisque l'essentiel de ces scènes de voyeurisme (celui des spectateurs dans le film et dans la salle) tourne autour du fameux tablier génital des femmes hottentotes qui pas une seule fois ne sera montré ! Un manque d'audace significatif puisque Abdellatif Kechiche, prétendant de manière objective placer le public face à ses propres démons, se hâte de jouer les censeurs au nom de la dignité de la femme qu'il a lui aussi complaisamment contribué à exposer pendant près de deux heures et demie. Ultime astuce, il se défausse de ce manque de courage en faisant passer lors du générique les images de l'enterrement grotesque et en grande pompe de la Vénus Noire en 2002 par le régime corrompu jusqu'à la moelle de l'ANC qui s'est hâté à son tour de transformer la morte en symbole...

Bruno FORESTIER

Images : affiche du film (source ici), Saarje Bartman examinée par Cuvier, lui-même présenté comme un digne ancêtre du Docteur Mengele (source ici).
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samedi 20 novembre 2010

Le procès de Paul Bourget

Pour le confort de lecture et afin d'éviter les répétitions, nous avons remplacé à quelques reprises le nom de Bourget par les diverses appellations imagées qu'utilise Bloy. Elles seront signalées par un astérisque.

Pourquoi et comment déteste-t-on Paul Bourget (1852-1935) ? C'est une question qu'on se pose un jour ou l'autre quand on s'intéresse à la littérature. Depuis Léon Bloy qui l'éreinte méchamment dans son Belluaire et porcher (1905) en le traitant d'eunuque, jusqu'à Céline qui, monologuant en 1957, s'attaque à son style, on ne compte plus les remarques assassines de la part des écrivains. Auteur presque oublié (si ce n'est cette extraordinairement longue notice wikipédia), et plus lu (malgré la réédition du Disciple cette année), Bourget fut pourtant à son époque prolifique et reconnu. 
Ainsi en 1915, André Gide vient lui rendre visite ; c'est la rencontre de deux grands, l'un a 63 ans (académicien depuis 20 ans), l'autre 46. Voici en quels termes Gide la relate dans son Journal :
« - Pour entrer ici, Monsieur Gide, m'a-t-il dit d'abord, vous n'aurez pas besoin de passer par la porte étroite.
Cela ne voulait proprement rien dire, mais marquait de la cordialité. Et, peu de temps après, il a trouvé moyen de faire allusion à mon Immoraliste ; […]
- Maintenant que nous voici seuls, apprenez-moi, Monsieur Gide, si votre immoraliste est ou n'est pas un pédéraste?
Et comme je reste un peu interloqué, il insiste :
- Je veux dire : un pédéraste pratiquant ?
- C'est sans doute plutôt un homosexuel qui s'ignore, répondis-je, comme si je n'en savais guère trop rien moi-même ; et j'ajoutais : je crois qu'ils sont nombreux.
Je pensais d'abord qu'il voulait ainsi me montrer qu'il avait lu mon livre, mais il tenait surtout à m'exposer ses théories :
- Il y a, commença-t-il, deux catégories de perversions : celle qui ressortissent du sadisme, et celles qui se rattachent au masochisme. Le sadique et le masochiste pour atteindre la volupté, ont recours l'un et l'autre à la cruauté ; mais l'un, etc. tandis que l'autre, etc.
- Rangez-vous les homosexuels dans l'un des deux genres ? demandais-je pour dire quelque chose.
- Nécessairement, reprit-il, car, ainsi que le fait observer Régis…[...] »
Cette anecdote montre à quel point les penchants de Bourget allaient vers les thèses plus que vers les romans. Or, le roman psychologique l'éloigne de la littérature et lui fait charrier, selon l'expression de Bloy: « les glaçons d'un pédantisme universitaire que la naïveté romantique de certains poètes avait cru défunt ». On imagine facilement le peu d'estime qu'il portait aux écrits de Gide (ce dernier traitera, en 1930, les lecteurs du fendeur de poils* de « bancs de sardines et de maquereaux « ), assenant sans cesse que les écrivains ont une responsabilité morale envers leurs lecteurs. 
À ce propos, Paul Bourget écrit dans la célèbre préface du Disciple, s'adressant au « jeune homme » : « tu vas, cherchant dans nos volumes, à nous tes aînés, des réponses aux questions qui te tourmentent. Et des réponses ainsi rencontrées dans ces volumes, dépend un peu ta vie morale, un peu de ton âme. Et ta vie morale, c'est la vie morale de la France même : ton âme, c'est son âme (…) Pensant à cela, il n'est pas d'honnête homme de lettres, si chétif soit-il qui ne doive trembler de responsabilité. » (sic !)

C'est sans doute parce que l'icoglan* a trop tremblé qu'il est devenu le repoussoir de la littérature et en particulier des hommes de lettres. Car, c'est bien dans cette quête de moralité qu'étouffe le roman bourgetien. Sans cesse, il tente de « démontrer des thèses amies de la morale et de la raison » comme le dit Kléber Haedens dans son Histoire de la littérature française, ajoutant de manière piquante : « Paul Bourget a longtemps servi de psychologue aux bourgeoises vertueuses et aux femmes du monde à mi-chemin entre le confessionnal et l'adultère. Ses romans solides et respectables (…) sont écrits dans une langue terne, privée de tout pouvoir et de toute beauté. » 
Ernst Jünger dira quant à lui que : « le fruit de l'humanité authentique est à peine touché à travers l'écorce du conventionnel ». Décidément…

Et si le Psychologue* donne autant d'importance aux idées et à la morale dans ces écrits, c'est souvent au détriment du style. Céline confie, en 1957, d'un ton las : « On continuera toujours à publier du Bourget, de l'Anatole France, de la phrase bien filée, etc. À rien du tout, elle continuera toujours à publier du Bourget de l'Anatole France », mais surtout : « les Français sont soudés. Ils sont soudés au style Voltaire, qui était une jolie forme d'ailleurs, qui fut copié par Bourget, par Anatole France, et puis finalement par tout le monde. »
D'ailleurs, Bloy déjà dans le ton de la critique contemporaine déplore : « l'absence infinie de style et de caractère » du Psychologue d'entre les castrats*, mais aussi, comme nous l'avions déjà signalé : « des écrits qui ressemblent à une diarrhée de colle de poisson ». 
À propos du style de ces deux écrivains, Jünger raconte une histoire qui circulait dans les salons parisiens durant l'Occupation. Et, l'on remarquera que la cible à cette époque a changé… question de morale sûrement : 
« Sur Bloy, des Closais a raconté une anecdote que je note bien que je la tienne sans conteste pour inventée, car elle donne une idée de la haine abyssale et non sans fondement qu'éprouvent les hommes de lettres pour cet écrivain.
Selon son habitude, à Paul Bourget aussi il avait demandé de l'argent, mais en vain ; puis il l'avait malmené publiquement. Quelque temps après, Bourget reçut une nouvelle lettre de Bloy, le priant de lui prêter immédiatement cinq cents francs, car son père venait de mourir. Bourget met la somme dans sa poche et se rend lui-même à Montmartre où Bloy habitait dans un des hôtels borgnes de l'endroit. Derrière la porte d'une chambre à laquelle le mène le concierge, on entend de la musique ; lorsque Bourget frappe, Bloy vient ouvrir, complètement dévêtu, on voit dans la chambre des femmes nues et, sur la table de la charcuterie et du vin. Bloy cynique, invite Bourget à entrer, et celui-ci accepte l'invitation. Il pose d'abord l'argent sur la cheminée ; puis regardant autour de lui : 
- Monsieur Bloy, vous m'avez pourtant écrit que votre père était mort ?
- Vous êtes donc prêteur sur gages ? réplique Bloy et il ouvre la porte d'une chambre voisine, où le cadavre du père est étendu sur le lit. »
Bloy en pleine bacchanale juste après la mort de son père, qui gît dans la pièce voisine, visité par le vertueux Bourget, voilà qui prête à sourire, autant que ce dialogue très court chez Barbey D'Aurevilly, où encore une fois Bourget fait figure de dupe:
« Bourget : enfin, Bloy, vous me détestez donc bien ?
Bloy : non mon ami, je vous méprise. »
Et il n'est pas le seul. En 1914 Paul Valéry écrit à Gide, parlant du Démon de midi : « Et malgré tout le mépris possible pour le misérable auteur, l'impureté, le bric-à-brac intellectuel, où le médical, le théologique, le balzacoïde s'ensaladent, malgré l'ignominie toujours présente toutefois cela est son meilleur livre. Celui donc où il paraît dans toute sa naïveté. »
Mais après tout, l'évangéliste du Rien* fut aussi le fruit d'une époque. Barbey dans sa mauvaise préface à la réédition d'Une vieille maitresse ne fut il pas obligé de se justifier, après son retour au catholicisme, de ne faire en aucun cas l'apologie d'une passion coupable, supprimant dans la foulée « un détail libertin de trois lignes » de son roman ? Les romanciers catholiques de la fin du XIXe siècle furent englués dans les questions de morale et la peur de la décadence. L'écrasante responsabilité qu'ils se sentaient vis-à-vis de leurs lecteurs a guidé leurs choix esthétiques et ce ne fut certes pas toujours pour le meilleur.

GV

Images : photographie de Paul Bourget (source ici), couverture du Disciple, réédité en 2010 (source ici), illustrations d'époque des livres de Paul Bourget (source ici), récente étude de Marie-Ange Fougère et Daniel Sangsue qui pose une grave question : Avez-vous lu Paul Bourget ? (source ici).
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