En mourant le 23 mars 1842, Stendhal n’a pas fait beaucoup de malheureux. Inconnu du
public ou presque, il avait prédit qu’il connaîtrait une célébrité posthume à
partir des années 1880, ce qui fut effectivement le cas. Sur un plan plus
pratique, Henri Beyle est mort
en laissant un choix très peu cornélien à son exécuteur testamentaire :
être enterré au cimetière d’Andilly
comme il le souhaitait et l’avait notamment écrit dans plusieurs lettres, ou,
par souci économique et dit-on religieux, être enterré au cimetière
de Montmartre. C’est bien entendu la
seconde solution qui a été choisie et mise en œuvre par son cousin Romain
Colomb à qui on ne jettera toutefois pas
la pierre puisqu’il a somme toute respecté la volonté par défaut de l’écrivain. Ils furent trois à cet enterrement, dont l'un des meilleurs amis de Stendhal, Prosper Mérimée, qui raconta la triste scène dans une courte brochure, H.B., publiée à quelques exemplaires en 1850. On le voit, la mort d'Henri Beyle ne fut guère brillante…
Cependant, comme notre époque raffole des transferts de cendres en tout genre (voyez Dumas au Panthéon pour le plus récent exemple), quelques Beylistes fanatiques ont désormais l’ambition de satisfaire enfin la véritable volonté de l’auteur du Rouge et le Noir et réclament son inhumation au cimetière d’Andilly. Si ce projet reste bien modeste, pour ne pas dire chimérique, voyons en quoi il nous paraît inopportun.
Cependant, comme notre époque raffole des transferts de cendres en tout genre (voyez Dumas au Panthéon pour le plus récent exemple), quelques Beylistes fanatiques ont désormais l’ambition de satisfaire enfin la véritable volonté de l’auteur du Rouge et le Noir et réclament son inhumation au cimetière d’Andilly. Si ce projet reste bien modeste, pour ne pas dire chimérique, voyons en quoi il nous paraît inopportun.
Nous objecterons d’abord que les
temps ont changé. Si Stendhal contemplait le paysage d’Andilly tel qu’il se présente
aujourd’hui, il réclamerait certainement qu’on oublie ses dernières volontés !
Bien que le cimetière conserve quelques charmes, il ne reste plus grand chose
des « bois charmants qui couronnent les hauteurs d'Andilly » ainsi qu’ils
étaient décrits dans Armance. Mais jugez plutôt de la vue qui s’offre aux yeux du
promeneur…
À cette raison toute esthétique,
une autre peut être ajoutée qui certainement vaut que l’on s’y arrête :
c’est que la tombe de Stendhal a déjà voyagé ! En effet, à la suite de la
construction du pont Caulaincourt en
1888, une partie du cimetière de Montmartre s’est trouvée soudainement
recouverte. Parmi les tombes plongées dans la pénombre figurait celle de
Stendhal ce qui ne manqua pas d’attrister ses nombreux admirateurs. C’est à Victor
Del Litto, le plus éminent spécialiste de
l’œuvre d’Henri Beyle, que l’on doit le déplacement de la tombe vers le centre
du cimetière, en pleine lumière cette fois-ci. Voici comment il évoqua ce
transfert en catimini dans une interview au magazine Lire (1996) :
« A 7 heures du matin, le 23 mars 1962, jour anniversaire de la naissance de Beyle*, nous étions quatre, le conservateur du cimetière, le commissaire de police du XVIIIe arrondissement, ma femme et moi. Ce qui restait de Stendhal, le bas de la mâchoire et un tibia, le tout recouvert d'une poussière grisâtre, a été placé dans une petite boîte et transporté dans le nouvel emplacement. »
Dès lors se pose très simplement
une question : ce nouveau voyage des malheureux restes de
Stendhal vers un lieu méconnaissable est-il bien nécessaire ? On aura compris que tel n'est pas notre avis, mais nous laissons chacun juge de cette "Requête pour le transport de la tombe de Stendhal au cimetière d'Andilly".
Lucien JUDE
* Stendhal est né le 23 janvier 1783 et mort le 23 mars
1842, c’est donc le jour anniversaire de sa mort qu’il fut déplacé. On
pense bien que l’erreur n’est pas de Del Litto !
Il y a eu un petit progrès lors du second enterrement de Stendhal : une personne de plus qu'au premier.
RépondreSupprimerJe pense que 5 personnes au prochain enterrement est un objectif raisonnable.
RépondreSupprimerOn peut voir une photo de l'ancien emplacement de la tombe ici : http://www.parisenimages.fr/Export450/18000/17737-1.jpg
RépondreSupprimerC'est sûr qu'on y voyait goutte…
Henry Brulard s'écrit avec un "y"… Mais Henri Beyle s'écrit bien avec un "i". ;-)
RépondreSupprimerJe pense que "le bas de la mâchoire, le tibia et la poussière grisâtre" de Beyle mérite une panthéonisation !
RépondreSupprimerDernière panthéonisation envisagée : Albert Camus ! Une idée lumineuse, une fois de plus, du président de la République…
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