Issue d'une obscure
famille de la petite noblesse picarde, Agnès Sorel (1422-1450) reçut semble-t-il une éducation soignée en vue de la place qu'elle devait occuper à la cour du petit "Roi de
Bourges", comme demoiselle
d'honneur d'Isabelle de Lorraine,
l'épouse du Bon Roi René.
Le futur Charles
VII qui à défaut d'avoir un
quelconque talent bénéficiait cependant d'un conseiller au goût assez sûr, Pierre
de Brézé, remarqua la
jeune femme grâce à ce dernier et en fit sa maîtresse. Il est vrai que la reine avait la
réputation d'être passablement déformée par plusieurs grossesses difficiles (la
belle excuse) alors que la jeune Sorel était l'incarnation parfaite de la
beauté gothique : un visage gracile au front haut et lisse, dont les cheveux
blonds tirés en arrière accentuaient l'ampleur, des sourcils arqués et fins
surmontant des yeux fendus et engageants, une pâleur toute aristocratique
rehaussée par des joues rosées et des lèvres sensuellement vermeilles et
charnues qui s'affinaient aux commissures, des épaules qui ne pointaient pas et
d'où descendaient des bras longs, ronds et minces enserrant une taille svelte
d'où saillaient un ventre doucement bombé, et des seins hauts et fermes. Du
reste, il suffit de regarder le portrait qu'en laissa Fouquet sous l'aspect un chouïa blasphématoire d'une
"Vierge à l'enfant" dans le dyptique de Melun.
En 1444, après avoir
donnée naissance à une bâtarde royale (deux autres suivront, qui seront toutes
légitimées) elle devint la première favorite officielle d'un roi de France. Une
institution qui s'avérera pleine d'avenir et fructueuse pour nombre
d'intrigant(e)s quoique au regard de l'histoire quelque peu ruineuse pour les
caisses de l'État jusqu'à son abolition officielle en 1792.
Devenue le premier
personnage féminin de la cour, la "Dame de Beauté", du nom du fief de la Beauté-sur-Marne qu'elle avait reçue, contribua grandement à
l'adoption de toilettes foutrement audacieuses pour l'époque avec d'amples
décolletés laissant les épaules nues et les fameuses coiffes pyramidales. Ces
dispendieuses coquetteries (plus de 20600 écus de bijoux pour la seule année
1444) la poussèrent à se lier à Jacques Cœur avec qui elle entretint une longue et fructueuse
collaboration (voir d'avantage selon les mauvaises langues de la cour). Ses
intrigues palatiales l'opposèrent au parti du Dauphin, le futur Louis XI - qui passait visiblement pour un fâcheux dès cette époque - dont la légende veut qu'il fut exilé en son fief
après avoir poursuivi la belle l'épée à la main jusque dans la couche
paternelle. Les psychanalystes apprécieront.
Vraisemblablement
décédée des suites d'un empoisonnement au mercure, ingurgité pour se
débarrasser des vers qui lui ravageaient les entrailles, son médecin qui était
également l'un des heureux bénéficiaires de son testament fut fortement
soupçonné d'avoir été par trop négligent dans ses dosages. Mais les autres commanditaires
potentiels ne manquent pas : le Dauphin, Jaques Coeur, ou encore Antoinette
de Maignelais, sa cousine qui la
remplaça rapidement dans la faveur royale.
Sa fin fut édifiante - elle fit de larges donations à
l'Église - et l'occasion de deux fort belles sculptures funéraires.
Bruno FORESTIER
On reconnait bien là le style fleuri et la sensualité brûlante de ce petit coquin de Bruno Forestier…
RépondreSupprimerEn effet ! Mais il a oublié de parler du sort que connurent les restes de la malheureuse Sorel. Son tombeau fut ouvert à la Révolution (cf l'excellent article de Kléber à ce sujet : "Zemmour et les 2 poils d'Henri IV") et il y eut encore il y a peu des expertises sur ses ossements afin de déterminer si oui ou non elle fut empoisonnée.
RépondreSupprimerPas mal cette mode du sein nu. Ça va peut-être revenir…
RépondreSupprimerIl ne s'agit pas d'une mode "sein nu", mais du décolleté, qui s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui.
RépondreSupprimerQuant à l'appétence des peintres européens à dénuder tout ou partie de leurs modèles, il s'agit d'une mode encore bien vivante aujourd'hui, comme vous pouvez le constater.
Des décolletés de ce type, moi, j'en vois pas beaucoup !!
RépondreSupprimerSot ! D'une part, Agnès Sorel lança la mode du décolleté à la cour de France, ce que vous pouvez voir par les toilettes portées qui laissent les épaules et la gorge nues. D'autre part, l'artiste a cru bon de la faire poser sein nu en alléguant du thème de la "Vierge à l'enfant".
RépondreSupprimerTout s'explique.
Oui et non, car sur le second tableau, l'artiste n'a plus l'excuse de la "vierge à l'enfant" et le sein est nu cependant…
RépondreSupprimerCe fut bien une mode au delà du thème de la vierge à l'enfant et du décolleté :
RépondreSupprimer« Portait queues un tiers plus longues que nulle princesse du royaume ; plus hauts atours, plus nombreuses robes et plus coûteuses. Et de tout ce qui à ribaudise et dissolution pouvait conduire en fait d'habillement, de cela fut-elle toujours produiseuse et montreuse ; car se découvrait les épaules et le sein par devant jusqu'au milieu de la poitrine. »
@ Vernet
RépondreSupprimerJe ne suis pas expert en mode et vêtures, mais je crains que vous ne soyez victime d'une interprétation particulièrement fielleuse du chroniqueur de l'époque (Thomas Basin ou Juvénal des Ursin peut-être ? ). Agnès Sorel ne manquait pas d'ennemis à la cour et sa liberté - voir son libertinage - provoquait la fureur d'un certain nombre de milieux conservateurs...
Bref, je crois qu'il faut prendre cette accusation comme une outrance du chroniqueur peu habitué à voir épaules et gorge nues. Ce qui bien entendu est tout de même révélateur de l'atmosphère à cette époque.
Quant au second tableau, je ne suis pas plus expert que vous, mais je pense que même s'il ne s'agit pas d'une Vierge à l'enfant au sens stricte, le peintre en a repris le thème et le modèle. Donc s'il y a mode du sein nu, il est uniquement pictural.
@ anonyme 9:44
RépondreSupprimerJ'avais à peu près compris ! Mais merci d'avoir cherché à m'éclairer ! :-)
@Anonyme 09:44, Je crois que le texte est de Georges Chastelain dans Chronique des ducs de Bourgogne. Vous avez sans doute raison car après quelques recherches, ce personnage apparaît comme un ennemi farouche d'Agnès Sorel mais aussi de la glorieuse pucelle. Dans ces histoires de décolletés, à qui peut on se fier ?
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