Vendredi soir
dernier, appâté par d'élogieux compte-rendus parus dans la presse nationale,
j'avais réussi à entraîner l'un de mes camarades jusqu'au théâtre de la
Colline, où se donne encore pour quelques jours la pièce collective
Notre Terreur mise en scène par M. Sylvain Creuzevault.
Après une
sanglante mêlée dans le métro, dont le narrateur et les siens s'extrayèrent à
grand peine, nous débouchâmes finalement devant le temple de nos désirs. Tel se
présente le théâtre de la Colline, à la lueur des réverbères : une belle
bâtisse composite verre et béton, sans décorations intérieures, qui donne un
aspect résolument moderne et prolétarien à un lieu de culture fréquenté
quasi-exclusivement par la petite-bourgeoisie intellectuelle, le tout enchâssé
dans un ancien quartier populaire, non loin du Père Lachaise.
À l'entrée, de
courageux jeunes gens distribuaient à titre gracieux des exemplaires d'un
quelconque canard sur la vie culturelle parisienne, que nous ne lirons pas de
toute manière. Une fois, le seuil passé, nous observâmes avec effroi que les
guichets étaient tous fermés. Nous n'eûmes pas le temps de nous alarmer plus
longtemps car les gardiens des lieux, tout de noir vêtus, (il est intéressant
de constater cette résurgence du goût pour les uniformes fascistes qui touche
quasiment tous les personnels des lieux culturels aujourd'hui… Où sont donc
passées les belles livrées dorées, rehaussées de couleurs chatoyantes ?), nous
poussèrent vers les étages.
Escaladant les
marches quatre à quatre nous arrivâmes devant les portes. Une foule de bobos,
en uniformes réglementaires (barbe de plusieurs jours, chemises au col ouvert
et soigneusement froissée, jean diesel pour ces messieurs, robes et jupes
assorties du cuir obligatoire pour ces dames) patientaient en bavardant
d'autant plus gaiement, qu'ils avaient vue directe sur le purgatoire. Le
purgatoire en question, n'était autre qu'un comptoir où les malheureux qui
comme nous n'avaient pas pris le soin de réserver à l'avance, devaient
s'inscrire sur une liste d'attente (20 élus par soir maximum) auprès des
gardiens susmentionnés qui, prenant l'air important, expliquaient qu'il était
nécessaire de s'y prendre longtemps à l'avance. Les escrocs ! Non contents de
vendre les places à des prix qui feraient rougir de honte un bon sans-culotte et
affichant sans vergogne la fatuité propre à leurs fonctions, tout indiquait en outre que ces vils laquais se payaient le luxe d'annoncer à tel ou tel de
leurs amis – après un bruyant claquage de bise – qu'on se faisait fort de les
faire entrer !
Ecoeurés par ce
système de privilégiés, vos serviteurs zélés décidèrent de fuir manu
militari un pareil spectacle
pour aller se régaler d'un bon film de guerre hollywodien, à un prix nettement
plus abordable.
Que
demande le peuple ?
Bruno FORESTIER (en compagnie de Lucien JUDE)
Image : le théâtre de la Colline (source ici)
Sur ce blog vous avez décidément une dent contre les gardiens !
RépondreSupprimerMaison Balzac ou théâtre de la colline, il faut laisser ces pauvres hères faire leur métier !
On peut gagner sa vie honnêtement en étant agent de sécurité et ils me font bien rire ceux qui taguent "plutôt chômeur que contrôleur" parce qu'avec la crise, on fait comme on peut.
C'est vrai, mais l'on parle plus volontiers de ceux qui exaspèrent…
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