mercredi 7 octobre 2009

Notre erreur

Compte-rendu d’un fiasco
Vendredi soir dernier, appâté par d'élogieux compte-rendus parus dans la presse nationale, j'avais réussi à entraîner l'un de mes camarades jusqu'au théâtre de la Colline, où se donne encore pour quelques jours la pièce collective Notre Terreur mise en scène par M. Sylvain Creuzevault.
Après une sanglante mêlée dans le métro, dont le narrateur et les siens s'extrayèrent à grand peine, nous débouchâmes finalement devant le temple de nos désirs. Tel se présente le théâtre de la Colline, à la lueur des réverbères : une belle bâtisse composite verre et béton, sans décorations intérieures, qui donne un aspect résolument moderne et prolétarien à un lieu de culture fréquenté quasi-exclusivement par la petite-bourgeoisie intellectuelle, le tout enchâssé dans un ancien quartier populaire, non loin du Père Lachaise.

À l'entrée, de courageux jeunes gens distribuaient à titre gracieux des exemplaires d'un quelconque canard sur la vie culturelle parisienne, que nous ne lirons pas de toute manière. Une fois, le seuil passé, nous observâmes avec effroi que les guichets étaient tous fermés. Nous n'eûmes pas le temps de nous alarmer plus longtemps car les gardiens des lieux, tout de noir vêtus, (il est intéressant de constater cette résurgence du goût pour les uniformes fascistes qui touche quasiment tous les personnels des lieux culturels aujourd'hui… Où sont donc passées les belles livrées dorées, rehaussées de couleurs chatoyantes ?), nous poussèrent vers les étages.
Escaladant les marches quatre à quatre nous arrivâmes devant les portes. Une foule de bobos, en uniformes réglementaires (barbe de plusieurs jours, chemises au col ouvert et soigneusement froissée, jean diesel pour ces messieurs, robes et jupes assorties du cuir obligatoire pour ces dames) patientaient en bavardant d'autant plus gaiement, qu'ils avaient vue directe sur le purgatoire. Le purgatoire en question, n'était autre qu'un comptoir où les malheureux qui comme nous n'avaient pas pris le soin de réserver à l'avance, devaient s'inscrire sur une liste d'attente (20 élus par soir maximum) auprès des gardiens susmentionnés qui, prenant l'air important, expliquaient qu'il était nécessaire de s'y prendre longtemps à l'avance. Les escrocs ! Non contents de vendre les places à des prix qui feraient rougir de honte un bon sans-culotte et affichant sans vergogne la fatuité propre à leurs fonctions, tout indiquait en outre que ces vils laquais se payaient le luxe d'annoncer à tel ou tel de leurs amis – après un bruyant claquage de bise – qu'on se faisait fort de les faire entrer !
Ecoeurés par ce système de privilégiés, vos serviteurs zélés décidèrent de fuir manu militari un pareil spectacle pour aller se régaler d'un bon film de guerre hollywodien, à un prix nettement plus abordable.
Que demande le peuple ?

Bruno FORESTIER (en compagnie de Lucien JUDE)

Image : le théâtre de la Colline (source ici)
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2 commentaires:

  1. Sur ce blog vous avez décidément une dent contre les gardiens !
    Maison Balzac ou théâtre de la colline, il faut laisser ces pauvres hères faire leur métier !
    On peut gagner sa vie honnêtement en étant agent de sécurité et ils me font bien rire ceux qui taguent "plutôt chômeur que contrôleur" parce qu'avec la crise, on fait comme on peut.

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  2. C'est vrai, mais l'on parle plus volontiers de ceux qui exaspèrent…

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