L’histoire est
une bonne idée. Depardieu incarne
un jeune retraité de l'industrie porcine, obligé de retrouver ses fiches de
paye afin de bénéficier de son taux plein.
Énorme, le cheveu
long et gras, avec des allures d'un Dennis Hopper avachi, il part au guidon de sa Mammuth, sur les
traces de son parcours professionnel, en quête de signifiants
« papelards », et va rencontrer dans sa recherche des personnages
burlesques et poétiques ayant tous en commun d'être en marge.
Le film est plein
d'humour, en particulier la première partie où les réparties du couple
Depardieu-Moreau font mouche,
soutenues par un comique de situation proche de l'absurde où Depardieu fait des
merveilles en homme bourru et presque sans langage.
Dans la seconde
partie, plus poétique, le duo filme la recherche du temps perdu, l'histoire
d'un homme dont on pense de prime abord qu’il n'en a pas, symbolisée par le
puzzle offert par ses collègues au début du film.
Depardieu le
sans-papiers va côtoyer dans son périple un monde d'exclus : le fossoyeur (Dick
Annegarn), le ramasseur de pièces
sur la plage (Benoît Poelvoorde),
une jeune paumée (Anna Mouglalis),
arnaqueuse, sévissant dans les hôtels de VRP et le long des départementales.
Une population qui se cogne au réel : l'Entreprise, l'Administration, la
Technologie. Une population qui cumule les handicaps physiques (parfois
factices) ou mentaux. Miss Ming incarne
superbement une jeune attardée, entourée de poupons désarticulés et de
sculptures inquiétantes. Kervern
et Delépine filment donc ceux que
la société ignore et dont elle ne veut pas. Comme cet homme allongé dans les
rayons du supermarché à coté duquel Depardieu passe sans presque s'y
arrêter : l'exclusion jusque dans la mort dans un monde qui se
déshumanise.
On notera aussi les
apparitions fantomatiques d'Isabelle Adjani, au visage de poupée, sanguinolent (sorte de Laura
Elena Harring dans Mulholland
Drive) qui hante et conseille le
héros dans ses pérégrinations.
Une surprenante scène
de masturbation ratée entre cousins, nous place, une fois encore, du coté de la
marginalité, mais sexuelle. La transgression devient l’ultime refuge, où l’on
fait aussi l’épreuve de la solidarité ; à force de vivre en marge, on franchit
plus facilement les limites.
Notre
attachant retraité va effectuer une révolution, à travers ce road movie
paradoxalement initiatique, dont le retour au foyer, auprès de sa femme, ne
signifie pas retour au même. À l’heure de la réforme des retraites, et sans y
mettre trop de pathos, ni s’extasier sur le mode du « c’était mieux
avant », les auteurs nous invitent à prendre la mesure des dégradations
subies par le monde social.
GV
Image et vidéo : affiche du film (source Allociné) et bande-annonce.
L'article donne plus envie que la bande-annonce...
RépondreSupprimerEnfin un bon film avec Depardieu ?
RépondreSupprimerTout laissait penser le contraire mais si vous le dites…
"Enfin un bon film avec Depardieu ?"
RépondreSupprimerCe n'est pas si étonnant que ça, en lisant les différents commentaires sur Mammuth, on s'aperçoit qu'il ne lui manquait pas grand-chose pour que l'on cri au génie. Uniquement qu'il en rabatte un peu, qu'il arrête de surjouer en quelque sorte.
La sobriété lui va bien, preuve en est, dans son dernier film : La tête en friche, il incarne encore un personnage plutôt simple et sur la réserve, enfin d'après la bande-annonce.