Réalisé par Wes
Anderson et sorti en 2004, avec Bill
Murray, Owen Wilson, Cate Blanchett, Anjelica Huston, Willem Dafoe et Jeff Goldblum.
À première vue, l'on
peut se demander ce que vient faire cette brochette d’acteurs célèbres dans une
comédie qui ne paye pas mine.
L’histoire est celle
d’une équipe d’explorateurs bigarrés (dont le personnage principal, le capitaine
Steve, vient de retrouver son fils
putatif), partie à la recherche d’un « requin-jaguar » afin d’en
tirer un documentaire et une vengeance, le requin en question ayant lâchement
dévoré le « père de l’équipe » lors de la première partie du
reportage.
Ce n'est pas terrible
comme scénario ; certes, c'est une comédie, mais les décors sont filmés
sur le mode documentaire, les effets spéciaux semblent plus que datés,
l’ensemble est visuellement suranné, comme une parodie de Cousteau. D'ailleurs, le film ne s’en cache pas, ce dernier
est explicitement mentionné, et Anderson pousse la caricature jusqu’à faire porter aux acteurs le fameux bonnet
rouge dans toutes les situations. On assiste à une permanente mise en abyme
entre film et documentaire qui finissent par ne faire plus qu’un.
Visuellement donc, le
film d’Anderson reprend les codes du documentaire, les plans sont relativement
simplifiés, on filme horizontalement et verticalement. Les scènes à l’intérieur
du bateau sont filmées en plan de coupe (comme si l’on avait enlevé la coque du
bateau), Anderson ne prend pas la peine de faire semblant, il filme les décors.
La vie
aquatique se met à ressembler à une farce de cinéaste.
D’ailleurs, les quelques scènes révélant un peu de sentimentalité (appuyées par
un équipier à bonnet, chantant des reprises de David Bowie en portugais et s’accompagnant à la guitare) ne
s’enlisent jamais, et sont toujours ponctuées par un élément grotesque, voire
vulgaire. Les scènes d’action, quant à elles, perdent toute crédibilité du fait
des petites ritournelles ringardes (il faut voir Bill Murray en combinaison de plongée en train de se trémousser),
composées sur synthétiseur et censées rythmer le documentaire.
C’est une bonne
comédie et l’on rit, mais on peut aussi voir en filigrane, l’une des
principales préoccupations des films d’Anderson : la famille ; plus
particulièrement ici la question de la paternité.
Le capitaine du
navire (Murray) découvre, au début du film, qu’il a un fils putatif (Wilson) et
c’est cette relation et les difficultés de la paternité qui vont jalonner le
film. Sans aborder la question de manière sérieuse, Anderson nous propose
cependant une vraie réflexion sur ce qu’est être un père. Par petites touches,
il esquisse les impasses de cette relation. Mais tout le film tourne autour de
cette question : ainsi, on apprend au début que c’est « le père de
l’équipe » qui est mort dévoré, la journaliste embarquée sur le bateau est
accueillie avec cette phrase : « d’où est-ce que vous débarqué ?
Vous avez l’air enceinte », le capitaine finira par dire :
« « Je déteste les pères et je n’ai jamais voulu en devenir un »
et enfin sa femme conclura en disant : « Est-ce qu’il y a un père
dans cette histoire ? ».
Cette dernière phrase
résume assez bien le sentiment qui se dégage de La vie aquatique : il
n’y a pas de père ou alors avec beaucoup difficultés. On peut reprendre à
grands traits l’articulation des rapports en Steve le capitaine et son fils Ned. Dans un premier temps, ce dernier n’a pas connu son
père autrement que par les documentaires qu’il a vus et par les affiches le
représentant en grand explorateur, le doigt pointé vers l’horizon. C’est à
partir de ces éléments que Ned s’est imaginé son père, une sorte de héros.
Puis, la rencontre
avec le vrai père, celui de la réalité s’est avérée assez cruelle : il est
dépressif, alcoolique, gentiment drogué, un peu cambrioleur, misogyne (il
affuble la journaliste enceinte du surnom de « camionneuse » parce
qu’elle refuse ses avances), n’a plus de succès sentimentaux (sa femme le
quitte aussi), ni professionnels… Finalement, à la place d’un héros, Ned trouve
un raté qui, à propos du fameux poster, dira : « j’ai jamais été cet
homme-là ».
Cependant, dans un
dernier temps, parce que sa mère lui a dit qu’il était son père et parce que ce
dernier l’accepte comme son fils, une certaine forme de transmission va
s’installer. Non pas tant que Steve se révèle un père exemplaire ; au
contraire, il rate piteusement toutes ses tentatives pour faire « comme
si » (notamment celle de renommer son fils). Anderson ne veut pas filmer
les émouvantes retrouvailles d’un père et de son fils, il filme le malentendu
de leur relation et comment malgré tout s’établit un lien symbolique de
filiation. On retrouve cette problématique à tous les niveaux du film
d’Anderson, mais aussi dans le reste de son œuvre, par exemple dans La Famille Tenenbaum
La double lecture de La
vie aquatique confère ainsi à ce
film, au premier abord sans prétention, une vraie densité, qui derrière la
comédie, pose la question essentielle de la paternité.
GV
Un film qui ne paye pas de mine à première vue, mais après tout ce qui en est dit, il va falloir y regarder de plus près !
RépondreSupprimerLe Commandant Cousteau ne meurt jamais ! À noter que son petit-fils tente actuellement de reprendre le flambeau en luttant contre la marée noire en Louisiane.
RépondreSupprimerLe casting est redoutable et ce film loufoque se teinte parfois de mélancolie, ce qui ne lui donne que plus de charme.
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