Morte
il y a deux siècles à l’âge de 34 ans, Louise de Mecklembourg-Strelitz (1776-1810) fut l’une des plus grandes beautés de
son temps et le symbole du nationalisme prussien. Belle et pangermaniste, voilà
qui est intriguant…
Mariée
en 1793 au prince héritier de Prusse Frédéric-Guillaume (futur numéro III), Louise fit, dit-on, un mariage d’amour
avec celui qu’il faut pourtant bien désigner comme l’homme le plus mou de son
temps à égalité avec le duc d’Angoulême. Elle n’eut en tout cas pas les mêmes regrets que la duchesse d’Angoulême
puisqu’elle donna naissance à dix enfants en dix-huit ans de mariage, ce qui
est un beau chiffre. Hélas, nous n’en dirons pas autant de ces innombrables
rejetons, l’un d’eux devant devenir cette vieille fripouille de Guillaume
Ier, celui-là même qui se fit
empereur d’Allemagne dans le palais de Versailles pendant que le peuple parisien mourrait de faim dans
la capitale assiégée… Mais revenons à nos moutons.
Louise devint reine de
Prusse en 1797 et elle comprit assez vite qu’elle serait plus qu’une "première
dame" (expression ô combien ridicule que nous n’employons ici que pour
mieux la flétrir). Il faut dire qu’à défaut d’être aussi énergique
que son épouse, le roi de Prusse avait au moins l’avantage d’être pacifique,
notamment à l’égard de la France révolutionnaire. Cependant, les nouvelles
ambitions de Napoléon Bonaparte
allaient fatalement se heurter aux intérêts du royaume de Prusse et donner à Louise l’occasion d’affirmer son bellicisme.
C’est
ainsi qu’en 1806, elle soutint ostensiblement le parti de la guerre contre la
France tandis que son mari hésitait encore. Cette idée baroque (Napoléon venait
de ridiculiser Russes et Autrichiens à Austerlitz) entraîna la chute de la Prusse en un temps record (Iéna, Auerstaedt, douces plaines) et la fuite des époux royaux à Memel, en actuelle Lituanie. C’est lors de l’entrevue
franco-russe de Tilsit, en
juillet 1807, que le destin de la Prusse humiliée se joua. Le Tzar Alexandre
Ier de Russie, bien qu’amoureux de Louise, ne fit rien d’exceptionnel
en faveur des Prussiens. C’est la reine Louise elle même qui tenta d’adoucir
les conditions de paix en obtenant un tête à tête avec Napoléon dont elle se
persuadait in petto qu’elle
parviendrait à le séduire. Las, ce falot de Frédéric-Guillaume III, jaloux de
savoir son vainqueur seule avec son épouse, interrompit les négociations en pénétrant
dans la pièce où ils s'entretenaient ! Plus tard, lors du dîner, notre galant
empereur offrit une rose à la reine qui, toujours aussi habile, lui dit avec
son plus beau sourire : « J’accepte cette rose en échange de Magdebourg ». Inutile de dire que Napoléon ne lui fit pas ce
cadeau car, en plus d’être galant, il était malin.
La
fin de vie de la reine Louise consacra son prétendu martyre. Elle suivit son époux
dans l’exil et tous deux ne rentrèrent à Berlin qu’en 1809, lorsque Napoléon le leur permit généreusement.
Cependant, déjà affaiblie par ses voyages, la belle reine mourut brusquement le
19 juillet 1810. Son jeune âge, sa résistance à l’envahisseur français et l’énergie
qu’elle avait déployée lors de cette mémorable débâcle prussienne firent sa légende
et son culte pour longtemps, y compris sous le IIIe Reich. On peut ajouter à cela sa grande vertu car la reine
Louise fut, paraît-il, un modèle d’épouse. Mais la fidélité qu’elle montra au
roi de Prusse ne doit pas pour autant occulter l’amour supposé platonique qu’elle
eut pour le Tzar Alexandre Ier. Lorsqu’en 1806, les armées françaises occupèrent
le château de Charlottenburg à
Berlin, on y découvrit leur correspondance et, l’empereur étant un incorrigible
ragoteur, on en publia les bonnes feuilles dans Le Moniteur. Ces lettres, sans être croustillantes, n’en étaient
pas moins suspectes et offensantes pour le malheureux roi de Prusse… Loin des
sempiternels tableaux de sainte martyr qu’on a voulu peindre, au moins faut-il
reconnaître que ces lettres dévoilèrent une autre Louise de Prusse, celle dont
le célèbre capitaine Coignet écrivit : "j'aurais donné une de mes deux
oreilles pour rester avec elle aussi longtemps que l'empereur".
"faut-il reconnaître que ces lettres dévoilèrent une autre Louise de Prusse,"
RépondreSupprimerQue disent elles ces fameuses lettres ? Des mots d'amour, genre Mazarin et Anne d'Autriche ?
Pas super croustillant, comme pin-up... Rendez-nous Bruno Forestier !
RépondreSupprimerUne harpie cette Louise, c'est bien connu. Elle ordonna à des officiers prussiens d'aiguiser leurs lames sur les marches de l'ambassade de France...!
RépondreSupprimerJe crois que M. Forestier est en convalescence après les coups reçus à la suite de son dernier article. Je ne vois pas d'autres explications à son silence.
RépondreSupprimerMoi je le trouve très bien, cet article, et, si je peux me permettre, plutôt mieux que ceux de M. Forestier. D'abord, il est très drôle et puis pas trop long, ce qui n'ôte rien au plaisir de le lire, (ce qui est court est toujours meilleur) et le ton en est fort agréable. Ça change agréablement de la violence de certains articles précédents (au demeurant assez intéressants, mais irritants).
RépondreSupprimerQuant aux commentaires haineux envers celle que M. Kléber qualifie, à juste titre si on en croit les images, de "belle reine", je les trouve un tantinet outranciers. Si vous êtes déçus par l'article, ne vous vengez pas sur Louise. Moi, en tout cas, je la trouve très sympathique.
Merci, merci Élise, mais vous allez me faire rougir ! M. Forestier n'en reste pas moins le maître de la matière, notamment grâce à son art de la description de la pin-up du mois ! Nous aurons d'ailleurs plaisir à le retrouver pour la prochaine figure de cette rubrique.
RépondreSupprimerSur Louise de Prusse, je ne peux rien ajouter de très neuf : les lettres en question ne sont effectivement que peu compromettantes à ma connaissance.
Pour en savoir le plus, le mieux est de consulter la biographie rédigée par Jean-Paul Bled (Une femme contre Napoléon, Fayard).
Il y a par ailleurs eu un docu-fiction très récent sur Louise de Prusse, diffusé sur Arte et probablement bientôt en dvd.