vendredi 4 décembre 2009

À propos du "Ruban blanc"

Attention, cet article dévoile en partie l'intrigue !

Le ruban blanc de Michael Haneke est un film épuré, en noir et blanc, sur la violence.
Dans une petite ville de province ont lieu des événements dont on nous dit qu’ils pourraient faciliter la compréhension de l’Histoire. L’intrigue se noue autour de plusieurs actes malveillants dont on ne connaît pas le ou les auteurs, mais près desquels traîne toujours une bande d’enfants.
Ce que le film donne à voir, c’est la violence des adultes envers les enfants. Ceux-ci sont violés, battus, attachés, et subissent la violence du mensonge, d’une morale rigide ou d’un quasi-abandon... Seulement cette violence est confinée dans la sphère privée, sans ouverture sur la société, en apparence. C’est pourtant la répercussion de ces actes commis sur les enfants (pas un n’échappe à ce déchaînement des adultes) dans la vie de la communauté qui va nous être dévoilée.
Car le film laisse peu de doutes (même si, comme souvent chez Haneke, on est dans la suggestion), les crimes perpétrés dans le village sont le fait des enfants. Qu’ils agissent en bande ou séparément, ils semblent s’être liés dans le vice. Les transgressions sont d’ailleurs à leur portée : mettre un fil entre deux arbres, le feu à une grange, ou se réunir pour battre un autre enfant.
On sait qu’entre eux ils peuvent être très cruels et il ne s’agit pas ici de les dédouaner. On peut interpréter les actes de violence comme des vengeances (c’est d’ailleurs explicite dans le film) à l’encontre des parents coupables. Ceux ci, aveuglés par leur volonté éducative, punissent régulièrement leurs enfants, toujours pour des faits mineurs. Ils n’imaginent pas les conséquences néfastes de leurs méthodes violentes, ni de quoi leur progéniture est capable, tant ils sont persuadés de leur inculquer de bonnes valeurs. Ils perpétuent finalement la violence au sein de la communauté.

D’aucuns veulent donner à ce film une dimension explicative sur les origines du nazisme. Ainsi, l’une des causes de son développement serait l’éducation rigide et violente, incarnée par le pasteur (notons la soumission morale à la figure du guide) réprimant ses enfants de manière autoritaire. La violence familiale ne demandant qu’à sortir aurait trouvé son exutoire dans le régime totalitaire.
Ses explications simplistes ne nous plaisent guère.
De plus, la figure de l’instituteur venant d’un village voisin et amoureux d’une jeune fille (elle aussi d’un village proche) apparaît comme singulièrement différente. Il est en effet, un bon pédagogue et son regard extérieur lui permettra d’être le seul à y voir clair. Haneke  annule ainsi toute généralisation possible.
Le ruban blanc est un excellent film qui ne mérite pas d’être réduit à : « comment fabrique-t-on un nazi ? ». C’est un film sur la violence, la manière dont elle s’exerce dans le cercle familial et dont elle peut faire retour dans la société.

GV

Image : photo du film, la famille du pasteur (source ici).
Vidéo : extrait du film.
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7 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec cette analyse. J'ajoute que la prétendue explication du nazisme ne tient pas plus si l'on songe qu'un même climat d'oppression régnait en France avec à la place du pasteur le curé.

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  2. Sur France Cul, dans l'esprit public, on a vu une belle démonstration, selon laquelle les protestants (inventeurs de l'apartheid, sic) avaient été parmi les derniers (notamment en Prusse) à adhérer au nazisme.
    Ca fait débat !

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  3. Ce n'est pas le problème d'une société particulière (en l'occurrence un village protestant), c'est l'Europe toute entière de cette époque, à travers le prisme de ce village, qui est montrée. Donc, si, d'une certaine manière, c'est bien « comment fabrique-t-on un nazi ? », mais à condition de ne pas rester enfermé dans les limites d'un exemple choisi justement pour sa valeur d'exemple. Le Ruban Blanc ne s'attaque ni aux protestants, ni aux Allemands, ni aux villageois, mais à une attitude généralisée.
    Par ailleurs, l'instituteur est peut-être lucide, mais il est faux de dire qu'il échappe complètement à la mauvaise pédagogie. Son comportement avec la petite fille lors de l'interrogatoire n'est pas précisément celle d'un bon éducateur !
    Mais sinon, l'article est très intéressant et, à mon sens, assez juste. Et puis il illustre un peu de l'art de Haneke : toutes les interprétations sont possibles.
    Et l'image est très bien choisie (sans parler de l'extrait) !

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  4. Merci BBC pour vos remarques, je suis d’accord avec vous sur la valeur d’exemple du film, mais je ne pense pas qu’elle s’applique comme vous le dites.

    « C'est l'Europe toute entière de cette époque (...) qui est montrée (...), c'est bien comment fabrique-t-on un nazi ? ». Sauf que l’on peut difficilement dire que cette attitude de violence familiale fut généralisée (sic), engendrant des nazis potentiels dans toute l’Europe.

    Le sujet du film et ce que Haneke suggère, c’est comment la violence des adultes, forclose dans la sphère privée, resurgit dans la société et c’est valable quel que soit le pays et de manière intemporelle.

    Quant à ce brave instituteur et à son « interrogatoire » (du frère et de la soeur), c’est l’incarnation même de la vertu pédagogique : juste mais ferme.

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  5. Je pense que BBC fait référence à l'interrogatoire en présence du policier GV…! On ne peut en effet pas dire qu'il s'y montre très pédagogique. Mais en même temps, il n'a pas l'air à l'aise et semble ne pas oser s'immiscer entre la fille et les policiers.

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  6. Ce n'est pas l'instituteur qui interroge dans cette scène avec les policiers.
    Il n'a fait que les avertir et ce eux qui sont brutaux avec les petite fille. Ça confirme par contre l'idée d'une violence exercée à l'encontre des enfants.

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  7. La scène de l'oiseau, peut aussi être prise comme une métaphore du destin des enfants.
    Nés en cage, ils y restent.

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