Avant de passer à l’année 2010, signalons l’initiative la plus classe de l’année
2009 : elle émane de M. Arsène Lux, maire UMP de la ville de Verdun, qui dans
une lettre ouverte s’est opposé à l’inauguration d’un monument à la mémoire des sous-lieutenants Herduin et Millant.
Ces deux sous-lieutenants de l’armée française avaient été fusillés en juin 1916,
pendant l’offensive allemande sur Verdun, pour un prétendu abandon de poste
devant l’ennemi. En réalité, les malheureux étaient parvenus à revenir dans les
lignes françaises en rompant l’encerclement qui les condamnait, eux et les
quelques dizaines de leurs hommes ayant survécu à l’assaut allemand, à la
captivité ou à la mort. Mais l’ordre étant tout simplement de "se faire tuer
sur place", le retour de ces soldats sains et saufs fut considéré comme la
dernière des lâchetés par toutes les ganaches qui peuplaient l’état major et on décida séance tenante, sans le moindre jugement, de faire fusiller les deux chefs
responsables du repli. Il suffit de lire la très belle lettre qu’écrivit à son
épouse le sous-lieutenant Herduin pour avoir une petite idée de l’énormité de cette
injustice. L’affaire était tellement scandaleuse que l’armée fut obligée de
reconnaître très vite son erreur (mais après la guerre cependant, en 1921), ce
qui était bien une maigre consolation pour les victimes.
Herduin et Millant avaient donc été réhabilités et l’inauguration d’un monument
à leur mémoire (prévue le 4 novembre dernier) n’avait rien que de très normal,
plus encore au vu de l’actuelle politique de réhabilitation des "fusillés pour
l’exemple". Mais M. Arsène Lux, le nouveau défenseur de Verdun, a donc
manifesté son opposition à cette honteuse inauguration, véritable "provocation".
Il s’en est expliqué en affirmant avec force qu’un tel monument, inauguré en
présence d’un membre du gouvernement, aurait pour effet d'atteindre "le moral de
nos armées" ! Quoi de plus démoralisant en effet d’apprendre qu’on a dressé un
monument commémorant une flagrante injustice de l’armée envers deux de ses hommes… Cette lettre parfaitement ridicule (qui dénonce au passage les
"pacifismes irresponsables et antimilitarismes primaires" !) a tout de même eu
pour effet de dissuader M. Hubert Falco, secrétaire d'État aux anciens
combattants, de venir assister à l’inauguration et, dès lors, la France n’a pas
officiellement reconnu l’injustice commise par son armée.
M. Lux peut se féliciter de ce coup d’éclat qui fait honneur à son grade
militaire puisque l’on n’étonnera personne en révélant que notre homme est
colonel dans l’armée. Ainsi tout est bien qui finit bien, l’honneur de l’armée
est sauf et celui des deux fusillés peut attendre. Pas de doute, M. Lux aurait
été une fameuse ganache et il a glorieusement prouvé que cette caste n’était pas
morte.
KLÉBER
Images : article du député communiste Berthon en une de L'Humanité du 21 juin 1921 dénonçant l'affaire au ministre de la guerre (source Gallica) et monument à la mémoire des deux sous-lieutenants (source ici).
Sachant que dans les années 20 l'armée reconnaissait déjà son erreur, ce Lux n'est pas très malin. C'est un bien triste de devoir compter sur ce type pour le moral de nos troupes.
RépondreSupprimerCe qui bien triste, c'est surtout de vouloir relever le moral de "nos troupes".
RépondreSupprimerLa réhabilitation en justice n'eut lieu qu'en 1926 mais c'est en effet en 1921 que l'armée, par le biais du ministre de la guerre Louis Barthou, reconnut l'erreur et la condamnation à mort sans jugement des deux sous-lieutenants.
RépondreSupprimerLa veuve du sous-lieutenant Herduin dut aussi lutter pour faire réinscrire la mention "mort pour la France" qui avait été refusée à son mari, ce qui est chose faite si l'on consulte aujourd'hui les fiches disponibles sur le site Mémoires des hommes.
A propos de Lux voici ce qu'on pouvait lire il n'y a pas longtemps dans un article de L’Est républicain titré « La ville de Verdun se ridiculise » dans lequel est dénoncée une « inacceptable motion ». Arsène Lux, « l’homme si fier de sa ville, celui qui se prétend le gardien de son histoire, des sacrifices que la France a consentis pour la défendre et qui en ont fait la cité symbolique de la Première Guerre mondiale, l’a tout simplement ridiculisée en faisant voter la censure de la presse ». En effet, Lux pas content d'un journaliste, avait demandé ouvertement son remplacement au journal, d'une telle bêtise, on en rit encore !!
RépondreSupprimerJe tiens à préciser que l'honneur des fusillés a bien été réhabilité par la justice (arrêt de la cour d'appel de Colmar de 1926 comme rappelé dans un commentaire ci-dessus) et l'injustice reconnue par l'armée (1921). Cependant, le gouvernement n'avait jusqu'ici rien fait. La présence, même symbolique, du gouvernement à la cérémonie aurait été louable. Le geste imbécile de M. Lux vient donc contrer les efforts déployés ; son acte reste incroyable tant il rappelle les pires mensonges de l'armée et la mauvaise foi typique de certains militaires…
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