Je suis allé voir, un
peu par hasard, le dernier film de Roman Polanski, dans une salle d'un multiplex de Montparnasse. Le
public, composé majoritairement de jeunes retraités dynamiques s'esclaffant
gaiement aux facéties de quelques jeunes gens pleins d'esprit, qui avaient
bizarrement décidé de sécher leurs cours pour aller s'enfermer au cinéma par ce
premier après-midi printanier, était agréablement silencieux et concentré, se
contentant de quelques rires discrets aux bons moments.
Inutile de revenir
sur l'accueil triomphal de The Ghost-writer par la critique et son récent prix au festival de
Berlin, ni sur les récents déboires
du réalisateur, autant d'éléments qui m'avaient tout d'abord rendu méfiant face
à cette douteuse unanimité. Ceci dit, force est de reconnaître que si The
Ghost-writer n'est pas le
chef-d'oeuvre proclamé par d'aucuns et qu'on peut d'ores et déjà craindre un
vieillissement difficile, il vaut tout de même son pesant de cacahouètes.
L'intrigue tout
d'abord : beaucoup de critiques se sont plus à insister sur l'aspect
hitchcockien du film, ce qui relève soit de la flatterie soit du lieu-commun,
puisque c'est tout le genre du Thriller (hollywodien s'entend) qui découle peu
ou prou du cinéma d'Hitchcock... Polanski y excellant tout comme le Maître, il
n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'on y retrouve les influences du second chez
le premier.
Remarquons plutôt au
passage que le scénario tiré d'un roman de Robert Harris (qui est également le co-scénariste) a les défauts
et les qualités des oeuvres de ce dernier : assez malin, avec un rythme rapide
et des personnages convenus mais taillés de telle sorte qu'ils suscitent la
sympathie du lecteur moyen, l'ensemble ficelé par une trame romanesque
suffisamment classique pour ne pas trop surprendre le pékin moyen tout en
maintenant le suspens jusqu'au bout. Du reste Robert Harris écrit ses romans
comme un honnête tâcheron d'Hollywood réaliserait des blockbusters, ce qui explique sans doute que l'intrigue
tout en étant assez prometteuse (allusion transparente à la politique de Tony
Blair), rendra le film passablement
obscur d'ici quelques années par son absence d'explications politiques claires
et son moralisme attendu.
C'est sur cette
fruste et solide assise que Polanski va bâtir son film, et mâtin quel travail !
The Ghost-writer est un thriller
à l'ancienne, où aucun plan n'est superflu, chaque scène s'agençant
harmonieusement du début à la fin (à l'exception d'un temps mort ou deux
peut-être) ; surtout on y retrouve rapidement l'atmosphère très spéciale des
grands films de Polanski - c'est-à-dire ceux d'avant Le Pianiste - faite de scène anodines où s'insèrent des petits
bruits, les personnages bizarrement figés, les regards dont on ne sait s'ils
sont inquiétants ou simplement vides, etc. Tous ces éléments qui
permettent à Polanski de composer dès le début un climat de malaise diffus qui
finit par la crise de paranoïa habituelle et la conclusion fatalement absurde
et cruelle. L'ultime scène qui clôt le film doit d'ailleurs être considérée
comme la véritable signature du cinéaste, qui sort enfin de l'académisme
de ses dernières oeuvres.
Le choix comme
principal lieu de l'intrigue de l'île de Nantucket et de sa Villa-Bunker, qui semble devenir l'idéal de
vie de la bourgeoisie américaine, mélange de baies vitrées ouvertes sur une mer
hostile, de murs de bétons nus, d'espace et de minimalisme, est des plus
judicieux pour développer cette impression d'étouffement et de piège. De ce
point de vue, on pourrait presque voir The Ghost-writer comme une variation sur les Dix petits nègres d'Agatha Christie.
L'influence
agatha-christique est d'ailleurs renforcée par un habile casting, notamment
avec Olivia Williams qui si elle
est peu connue au cinéma se montre très convaincante dans son rôle quand Pierce
Brosnan s'acharne à se rendre
antipathique sans y parvenir tout à fait. Mais c'est surtout Ewan McGregor qu'on aurait pu croire définitivement perdu pour la
Cause, qui renoue brillamment avec le genre dans lequel il avait été découvert
(Shallow Grave,
1994).
Bruno FORESTIER
Doit-on comprendre que Le Pianiste est à classer parmi les "mauvais" films de R. Polanski ? Et pourquoi E. McGregor aurait-il dû être "perdu pour la Cause" ? (je me demande d'ailleurs de quelle "Cause" il s'agit...)
RépondreSupprimerLe meilleur Polanski, sans contestation possible, c'est "Le Bal des Vampires". Le reste n'est que plaisanterie. C'est en tout cas mon avis, et je le partage.
RépondreSupprimer@ Élise:
RépondreSupprimer- Le Pianiste, n'est pas un mauvais film proprement dit, mais il est très en deçà du roman de Szpilman, comme du talent de Polanski.
- "Perdu pour la cause", c'est simplement une boutade pour exprimer ma satisfaction de voir E. McGregor jouer sérieusement pour la première fois depuis longtemps.
@ LB:
Quel sectarisme ! Et Rosemary's baby ? Et Chinatown ?
"Rosemary's baby" et "Chinatown" ne valent pas, loin s'en faut, "Le bal de Vampires". Mais comme je l'ai déjà dit, cela n'engage que moi !
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