Monet au Grand Palais, impressions de foules
La monstrueuse propagande en
faveur de l’exposition Claude Monet au Grand
Palais a eu raison de nous… Dimanche
dernier, au soir, nous y étions. Las! même à cette heure tardive, des centaines
de quidams se pressaient, victimes comme nous du matraquage médiatique
ahurissant dont la France entière est accablée depuis le mois de septembre. Le
résultat est là, grandiose ! Devant chaque tableau le même
spectacle : un troupeau béatement agglutiné, l’audio-guide collé à
l’oreille*, campant jusqu’à ce que le signal du départ soit donné. Il nous a
fallu beaucoup de calme et de patience pour ne pas fuir à toutes jambes cet
embouteillage délirant. Tout cela était d’autant plus rageant que les œuvres
exposées, lorsqu’une miraculeuse trouée permettait de les apercevoir, valent
mieux que le simple coup d’œil. Disposées chronologiquement puis par
thématiques (répétitions, intériorité et décorations), celles-ci forment un
rassemblement unique. Il y a en particulier ces représentations de l’église
de Varengeville dans le soleil couchant,
les mers de la côte normande ou de la côte méditerranéenne, sans parler des
célèbres Femme à l’ombrelle qui toutes illustrent le génie de Claude Monet. Sans nul
doute l’intérêt de cette exposition n’est donc pas usurpé, mais nous l’avons
assez dit, sauf à disposer d’un droit de visite présidentiel, mieux vaut ne pas
mettre les pieds au Grand Palais.
*GV évoquait récemment la
déplorable mode des audio-guides qui sévit depuis quelques années déjà. Cet
instrument n’est plus une option, c’est une obligation. Il fallait voir avec
quelle insistance on nous a tendu les audio-guides et la stupéfaction
devant notre refus poli. Nous étions bien rares à nous promener sans cet
indispensable engin.
La Russie romantique, beaucoup de
bruit pour rien
Dans une proportion bien plus
modeste, l’exposition « La Russie romantique » qui se tient au Musée de la vie
romantique a su attirer les chalands à
force d’affiches dans toutes les stations de métro et abris bus de la capitale.
Le thème avait beaucoup pour nous plaire, la belle bobine de l’écrivain Gogol acheva de nous convaincre. Au fond d’une ruelle
privée de la rue Chaptal, le Musée de la vie romantique est idéalement établi
dans l’ancien hôtel particulier du peintre Ary Scheffer. Là-bas au moins, très peu de monde, on peut
visiter en toute tranquillité. Pourtant, quelle désillusion ! Les tableaux
sont rares, deux seulement valent vraiment la peine dont ledit portrait de
Gogol et La traversée du Dniepr
par Nikolaï Gogol du peintre Anton
Ivanov. Où sont-ils les
« chefs-d’œuvre de la galerie Tretiakov » vantés sur les affiches ? Faut-il croire qu’il
s’agit de ces peintures quelconques de la famille impériale ou de ces mornes
paysages moscovites ? Malheureusement, le manque complet d’indications
chronologiques, historiques ou simplement graphiques ne nous aidera pas à le
savoir. Aussi ne faut-il pas s’étonner de découvrir un livre d’or plein de
reproches et de regrets… La seule consolation pour le visiteur égaré dans
cette exposition bien décevante tient dans la visite (gratuite) du musée
lui-même qui étale sans prétention plusieurs toiles de Scheffer et évoque la
mémoire de Renan, Psichari et George Sand.
Lucien JUDE
A propos Musée de la vie romantique, il n’est déjà pas évidemment de mettre en valeur les très disparates et nombreux lieux qui dépendent de la ville : musée Carnavalet, maison Balzac, Maison de Victor Hugo, Musée Zadkine… Alors pour une fois qu’un peu de retape est faite pour une exposition dans l’un de ces musées trop peu connus, il faut que le résultat soit décevant !
RépondreSupprimerÇa rejoint un peu le constat de « connaissance des arts » qui dans son dernier édito étrille la ville de Paris pour sa politique culturelle brouillonne.
C'EST DEGUE(U)LASSE ! Quel mépris dans vos "quidams", "troupeau", "embouteillage" ! Pourquoi pas "populace" tant que vous y êtes ? La populace est un être humain !
RépondreSupprimerPlus sérieusement, à Vernet : une "politique culturelle" ne peut qu'être brouillonne. Deux mots totalement incompatibles d'ailleurs. Mais enfin, tant que ces crétins s'en tiennent au "culturel" et qu'ils ne touchent pas aux arts...
Je partage entièrement le dégoût de Lucien Jude pour ce genre de manifestations qui s'apparentent à un supermarché de l'art. Pouah!
RépondreSupprimerIl faut privilégier tous les petits espaces comme le musée Maillol, pour la simple et bonne raison que le troupeau ne se déplace pas en deçà d'un certain nombre d'oeuvres.
J'attends avec impatience le jour où un conservateur de musée aura le courage de faire une exposition... d'un seul tableau. Allez, restons raisonnable et mettons 4 ou 5. Mais pas plus!
Au lieu de s'adonner à cette orgie artistique qu'est "Monet au Grand Palais", qui offre tout au plus un regard de quelques secondes aux dizaines d'oeuvres exposées, on observerait UN seul tableau sous toutes ses coutures pendant 20 minutes, confortablement installé, sans voisinage bovin.
Mais hélas! il faut bien que le peuple s'éduque et pour cela, on le gave comme un canard de Monet ou de Picasso (pour ma part, j'étais allé à l'expo Picasso au même endroit il y a un an, j'ai vécu le même enfer que Lucien Jude).
Comme le disait aimablement un de mes anciens professeurs, on n'a rien inventé de pire que la "démocratisation de la culture".
RépondreSupprimerCela dit, quel bonheur quand on fait partie de la masse de pouvoir s'élever un peu l'esprit dans des expositions, surtout si elles sont bien faites. On aurait sûrement tout à gagner à laisser en place plus longtemps les expositions temporaires : moins pressée de s'y rendre, la foule se délaierait et laisserait à chacun la chance d'admirer ces chefs-d'oeuvre. Je voulais aller voir la Russie romantique, mais si je comprends correctement, j'ai bien fait de m'abstenir ? C'est tout de même dommage...
Je tiens tout de même à préciser que cet article n'avait pas pour but de dénoncer le populo ! Le vrai problème dans le cas de l'expo Monet, et comme chaque année au Grand Palais, c'est la propagande martelée puissance 1000 qui a des conséquences déplorables pour tout le monde.
RépondreSupprimerJe veux bien que vous marchiez sur les œufs du politiquement correct depuis l'affaire hottentote, mais tout de même; c'est très exactement cela que vous dénoncez : une exposition réussie, du point de vue des marchands de yaourts qui dirigent désormais les musées, c'est-à-dire une populace qui vient à l'endroit où il faut être. Du bobo le plus crétin qui pourra répété les trois poncifs de l'audioguide, à l'enfant de CM2 traîné par son "professeur des écoles" inculte qui ne sait pas faire la différence entre de la peinture et une image peinte, tous ne sont peut-être pas coupables d'être là. Mais ils y sont. Même vous !
RépondreSupprimer@ Fabrice
RépondreSupprimerJ'essaye tant bien que mal de ne pas tout mélanger ! Je répète qu'à mes yeux le problème vient de ces fameux "marchands de yaourts qui dirigent désormais les musées". J'ajoute que le désir effréné de rentabilité qui les anime a pour conséquence de provoquer les embouteillages dont je parlais. En effet, c'est à croire que les organisateurs laissent rentrer les visiteurs jusqu'à atteindre la capacité maximale de chaque salle, sans se soucier une seconde des conditions que cela entraîne.
Quant à la "populace" qui afflue, je n'y vois encore une fois aucun inconvénient. Que chacun puisse visiter telle ou telle expo est dans l'ordre des choses. Le seul véritable reproche que je pourrais donc faire à mes compagnons d'infortune est d'avoir l'air d'accepter sans sourciller les conditions scandaleuses qu'on nous impose, voire de sembler s'en satisfaire ! Pour le reste, peu me chaut d'être entouré de cuistres ou d'écervelés du moment que je peux visiter tranquillement.
Les Musées! Quel ennui! Et quelle fatigue! Je ne sais qui a dit (Vivant Denon?): les musées sont le cimetière de l'art...
RépondreSupprimerLes expositions, surtout ce genre de gigantesque foire, c'est à peu près la même chose. Et voir dans ces lieux cette foule de crétins! et entendre leurs commentaires! Quel mine d'or pour écrivain un peu doué! Au fond c'est bien ce que dit de façon plus "enveloppée" M. Lucien Jude, et il a bien raison!
Les oeuvres d'art ne devraient être vues que là où elles était destinée à se trouver:des lieux publics, des églises, chez des (généralement riches) particuliers pas trop bêtes qui les ont achetées (ou leurs ancêtres). Mais c'est un rêve...
Il se réalise parfois, ce rêve, comme à St Sulpice, où dans le calme et une pénombre propice parfois illuminée par un peu de soleil on voit Delacroix représentant Jacob avec l'Ange. Au fait pourquoi un "ange"? La bible ne parle que d'un "homme". Et pourquoi Delacroix lui a-t-il peint les ailes en noir? Est-ce au contraire le diable? Personne ne m'a jamais répondu à ces deux questions. M. Jude le sait-il?
Un plouc ermite
@ Un plouc ermite
RépondreSupprimerJ'avoue mon ignorance quant à cette sombre histoire de peinture. J'irai faire un tour à Saint-Sulpice un de ces jours pour examiner de plus près l'objet de la question. En tout cas, le fait que la Bible mentionne un homme n'est pas déterminant, puisque quelques versets plus loin l'homme en question dit à Jacob qu'il a lutté avec Dieu. Mais pour ce qui concerne ces ailes noires, c'est une affaire plus délicate…!