Chez
les Septembriseurs, nous ne méprisons pas la culture populaire. On ne rechigne
pas notamment devant le sport à la télévision ; oui nous avons suivi le mondial
de foot, et c’est pourquoi nous voulons maintenant vous entretenir du Tour
de France. Mais pas n’importe quel
Tour de France ! Celui de deux auteurs, aussi brillants que dissemblables,
Blondin et Barthes.
Dans
Sur le Tour de France, Antoine
Blondin en a chroniqué l’histoire et certaines étapes pour son plus grand
plaisir, d’autant plus grand semble-t-il qu’il y prenait une revanche. En
effet, jeune, ayant perdu un concours, il n’avait pu assister à une étape du
Tour, récompense accordée aux premiers de la classe n’en ayant rien à faire
(maudissons-les tous ensemble encore une fois). Cette frustration de jeunesse
et l’intérêt qu’il prend à suivre le Tour, Blondin semble vouloir les
justifier, puisque, nous dit-il, si vous n’y prenez pas autant de plaisir que
moi, c’est parce que vous n’avez pas connu le vrai Tour, celui qu’on vit en
accompagnant au jour le jour les coureurs. Dans cette tentative, Blondin nous
apparaît, malgré toute le respect que nous avons pour lui, un peu égoïste. Pour
faire passer son admiration, il cite un journaliste américain : « je ne
connais qu’un chef-d'œuvre d’organisation qui puisse lui être comparé, c’est le
débarquement en Afrique du Nord » (ce que nous avions déjà noté !).
Il
ne boude pas son plaisir, mais peine à convaincre et à le faire partager.
D’ailleurs, après la lecture de Barthes, il faut bien le dire, les envolées de
Blondin, certes assez bien écrites, laissent quelque peu sceptique…
En
effet, Barthes analyse les ressorts de l’écriture du Tour dans Mythologies, livre dont les cavillations nous laissent croire
qu’il aurait pu écrire sur n’importe quel sujet et lui donner un lustre
intellectuel et culturel. Écrit en 1955, le livre de Barthes semble être un
commentaire de celui de Blondin paru en 1977. Or Blondin valide après coup la
thèse de Barthes qui fait de l’écriture du Tour de France une mythologie du
genre épique (il faut noter que les quotidiens sportifs du monde entier sont
parmi les derniers à encore employer ce style). Le hussard met le lecteur en
garde : ne parlons pas du Tour de France comme d’un carnaval ou une opérette,
c’est bien plus sérieux que ça, c’est de l’ordre du légendaire, de l’épopée. Et de fait Barthes précise de son côté : le Tour est une épopée dans laquelle on
entre par l’onomastique, c'est-à-dire, dont le nom des grands coureurs fait
fonctionner l’imaginaire et la légende. Par exemple, Poulidor résonne dans l’hexagone comme "l’éternel second",
son surnom de Poupou, le rapproche de son public, mais entérine aussi son
statut de héros épique. Barthes relie le surnom à : « ce mélange de
servilité d’admiration et de prérogative qui fonde le peuple en voyeur de ses
dieux ».
Et
le dopage dans tout ça ? Blondin
nous parle d’une « pratique catastrophique », « l’arme illusoire
des plus faibles ». Pas question ici de remettre en cause les idoles, les
vainqueurs… Pour lui, les contrôles antidopage doivent rester l’apanage du
médecin de famille, sans rire ! Toute une époque… Il continue : les malheureux
garçons pris dopés sont en fait dupés. Et quand bien même seraient-ils partie
prenante dans ces sales affaires, il faut s’émouvoir nous dit Blondin, non de
l’outrage au sport et à la santé, mais bien du sacrifice que font ces coureurs
qui « vont chercher le meilleur d’eux même dans on ne sait quel purgatoire ».
Désarmante
naïveté d’une époque ou d’un homme ! Le dopage chez Barthes, apparaît comme une
offense divine, c’est-à-dire qu’il ôte à Dieu le privilège de donner ou non le
feu sacré à un coureur. Mais ce dernier se fait aussi plus politique, dans sa
dénonciation du mythe, disant : c’est la base du Tour qui est vicié,
l’aspect économique corrompt l’épreuve, et génère son lot d’alibis idéologique.
C’est ce que Blondin ne voit pas ou refuse de voir.
Cependant, et pour finir,
Barthes pondère son jugement, et rejoint Blondin, quand il conclut que le Tour
est avant tout le « spectacle d’une clarté totale entre l’homme, les hommes et la
nature ».
GV
Ça reste des mecs tout rouges avec des gros mollets transpirant comme des boeufs sur leur vélo...
RépondreSupprimerUn autre auteur qui a écrit sur le Tour de France, bien avant Blondin et Barthes, c'est Albert Londres. Dans "Tour de France, tour de souffrance", il dénonçait dès 1924 le dopage généralisé et les conditions physiques éprouvantes pour les cyclistes.
RépondreSupprimerCe petit livre est évidemment à charge, contrairement aux deux livres susmentionnés ; il n'en reste pas moins incontournable sur le sujet.
Avec Blondin à l'écriture des articles de l'Equipe, j'aurais presque pu m'intéresser à ce sport qui pourtant, me débecte.
RépondreSupprimerSympa cette photo de lui à l'arrière de la moto.
Je préfère son approche du Tour de France à celle de Barthes. Les formules de Barthes intellectualisées jusqu'à la moelle pour finalement ne pas dire grand chose ... Bof.