Neuf mois après le tremblement de terre qui y fit 181 morts et d’immenses
dégâts, Christchurch est
encore une ville fantôme : routes barrées, portes condamnées, églises en
ruines, trous béants, on a peine à croire la catastrophe si lointaine. Le
visiteur qui comme nous débarque de l’Australie voisine s’attend certes à voir quelques décombres
mais il faut bien avouer que rien ne le prépare aux incroyables scènes d’abandon
et de solitude qu’offrent les restes de ce qui était il n’y pas si longtemps la
seconde ville de Nouvelle-Zélande.
Ceux qui ont dit que Christchurch a été rayée de la carte exagéraient à
peine. Ébranlée en septembre 2010 par un séisme d’amplitude 7,1 sur l’échelle
de Richter, la ville connut une journée dramatique le 22 février 2011 lorsqu’une réplique légèrement moins forte
provoqua l’effondrement des bâtiments déjà touchés.
Intervenue en pleine journée, à 12 h 51 heure locale, la secousse
principale d’une magnitude de 6,3 piégea un grand nombre des victimes à l’intérieur
des immeubles, notamment dans le siège de la télévision régionale (Canterbury
Television Building) qui en
s’effondrant tua à lui seul près de cent personnes. Les distributions d’eau et électricité
furent interrompues tandis que l’aéroport était fermé aux vols civils plusieurs
jours durant. Un dangereux phénomène de liquéfaction du sol fut relevé peu après
le séisme, entraînant d’importantes inondations et affaiblissant considérablement
l’ensemble des constructions de la ville. Le coût des dégâts est difficile à évaluer
mais l’on parle d’ores et déjà de 10 à 20 milliards d’euros et toute l’économie
néo-zélandaise sera affectée.
Aujourd’hui, la ville est donc très loin d’avoir pansé ses plaies. Les
400 000 habitants de Christchurch ont pour ainsi dire disparu. Tout le centre
historique est en état de siège, décrété « Red Zone » et interdit au public. Un immense chantier
se cache derrière les barrières et les grillages qui déterminent le périmètre défendu.
Après avoir passé des check-point contrôlés par des militaires, des petits
groupes d’ouvriers y pénètrent pour déblayer les débris et consolider les bâtiments
encore debout. Toutes ces scènes étonnantes font songer à celles d’un film
catastrophe après une attaque extra-terrestre ou quelque horrifique épidémie.
Comme nous regardons ces barrages, un voyageur français nous révèle sur
le ton de la confidence le plus approprié en ces lieux : « On peut
passer les contrôles, mais seulement la nuit ». Parle-t-il de pillards qui
s’infiltreraient dans l’enceinte ? Mais il n’est évidemment pas question
de cela dans un pays comme la Nouvelle-Zélande. La CERA (Canterbury Earthquake Recovery Authority) organise des navettes en bus pour quelques
privilégiés dûment inscrits, habitants de Christchurch et autres Néo-Zélandais
prioritairement. Avec un peu de chance, un touriste peut avoir son sésame pour
ce tour dans la ville fantôme. Notre Français se défend de tout voyeurisme,
mais il est intéressé. Pour autant, est-ce bien nécessaire d’aller au-delà de l’enceinte
interdite pour constater l’étendue du désastre ? Tout autour de celle-ci,
pas un commerce qui ne soit ouvert. Partout sur les portes, on lit des
inscriptions interdisant l’accès aux lieux en raison des risques importants d’effondrement.
Là encore, les pancartes, les maisons désertes, le désordre et la poussière qui
règnent derrière les vitrines vides suggèrent les images d’une grande
catastrophe endémique.
La cathédrale,
emblème de la ville, a perdu la plus grande partie de sa tour. Si certains
lieux officiels ont pu rouvrir comme la mairie, la plupart des anciens bâtiments
demeurent très sévèrement touchés. On voit ici et là des monceaux de pierres,
des failles dans les murs, des toits éventrés. Seul le Museum semble avoir vaillamment résisté, permettant
aux employés de l’Office du tourisme, lui-même réinstallé dans des préfabriqués,
d’y envoyer la myriade de touristes égarés. C’est qu’il n’y a plus rien à voir
dans cette ville. Même aux Botanic Gardens où les arbres ont tenu bon, y compris le plus
ancien, planté en l’honneur du mariage du prince de Galles (1863), les quelques kiosques sont interdits
d’accès car jugés trop incertains.
La vie a pourtant repris son cours. Près du centre barré, au milieu d’immenses
espaces créés par la destruction complète d’immeubles dont la ruine était
imminente, un curieux centre-ville de remplacement vient d’être édifié. On trouve là, dans de
futuristes containers en tôle colorée, quelques grandes marques de vêtement, un
ou deux cafés et les irremplaçables banques. Le consumérisme chassé est déjà
revenu ! Plusieurs restaurants fermés ont aussi affiché sur leur porte qu’ils
sont désormais de retour …dans une roulotte. Et en effet, on les retrouve près
de ce nouveau centre, proposant des formules « take away » aux
passants intrigués. Enfin, pour donner un air de fête comme dans toutes les
villes néo-zélandaises, des décorations de Noël sont suspendues ici et là sous
le soleil de l’été naissant. Mais il n’y a encore guère de monde pour profiter
de tout cela. La plupart des gens se massent près des grillages pour scruter le
chantier interdit. Montrant la place de la cathédrale au loin, une dame déclare
à qui veut l’entendre : « C’est là que j’allais tous les jours pour
travailler ». On en vient justement à se demander ce que sont devenus les
milliers d’employés du centre-ville… Bien que plusieurs semaines de paye ont été
garanties par le gouvernement afin de préserver les emplois, la plupart ont dû émigrer
vers d’autres villes de l’île du Sud afin de chercher un nouveau travail. De la
même façon, beaucoup d’habitants ont définitivement quitté la ville dans la
crainte de nouveaux séismes. Même s’il est un peu tôt pour spéculer sur les
conséquences de ces départs qui concerneraient 1 habitant sur 6, il apparaît
certain que Christchurch mettra de nombreuses années à retrouver son statut de
capitale du sud.
Avec cinq à dix années de travaux en perspective, le chantier est encore
long. Il le sera d’autant plus que plusieurs répliques ont déjà compliqué la
reconstruction et redoublé les craintes d’une population traumatisée. Mais
comme pour Auckland,
construite sur un volcan susceptible de se réveiller, comme pour Wellington, déjà détruite par un tremblement de terre,
les Néo-Zélandais semblent bien résolus à faire face aux phénomènes naturels en
reconstruisant Christchurch.
Lucien JUDE
Images : vue d'une église
en ruines, la place de la cathédrale vue derrière les grillages, affiche
interdisant l'accès à un immeuble, même église en ruines, le nouveau centre en
containers, Worcester Street (photos NDC).
Nouvelles répliques du tremblement de terre à Christchurch : http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/monde/nouvelle-zelande-christchurch-encore-frappee-par-des-seismes-24-12-2011-1547335.php
RépondreSupprimerLe soleil, le ciel bleu, le feuillage vert tendre, on a un peu du mal à percevoir la dévastation du tremblement de terre dans vos photos printanières mais la description que vous en faites est saisissante !
RépondreSupprimerQuand aux containers, on avait connaissance de leur utilisation comme logement étudiant, pas encore comme centre commercial, ressource inépuisable, il rassemblait, que cette tôle coloré.
Ne serait-il pas plus judicieux de reconstruire mieux et surtout ailleurs ?
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