Nos lecteurs qui
auraient eu comme moi l'occasion de baguenauder ce dimanche, en dépit de la
pluie et du vent, à proximité du centre Beaubourg n'auront sans doute pas manqué de remarquer le
curieux spectacle qui se donnait aux alentours de 19h devant le centre
Wallonie-Bruxelles.
Juché sur une
estrade, curieusement accoutré, un homme muni d'un porte-voix interpelle les
passants en leurs promettant sur un ton des plus graveleux des plaisirs inédits
et à bon compte ("Du cul, du cul, du cul !", "Deux euros, c'est
moins cher qu'un peep-show", etc).
Les rares badauds
attroupés - dont votre serviteur - rient de bon coeur et sans méfiance à cette
curieuse harangue. Las, me voilà poussé de l'avant par le mouvement d'une forte
troupe de touristes américains qui a été entre temps lestement rabattue par les
acolytes du bonimenteur.
À l'intérieur, après
s'être acquittés de la somme nécessaire, les curieux sont répartis en fonction
de leur sexe, toujours sous les lazzis des organisateurs, et conduits à l'intérieur
d'un chapiteau où l'on s'entasse sur les bancs. Au fond de la pièce un écran
blanc, à l'arrière le projectionniste fait ronronner sa machine, sur le côté un
pianiste qui égrène une musique guillerette. Après une petite introduction
musicale et dansée, l'affaire sérieuse commence.
On va assister à une
représentation du "Crazy cinématographe érotique", c'est-à-dire à la projection de plusieurs films érotiques,
en noir et blanc et muet, datant de 1905 à 1920, le tout assorti de musique,
bruitages et commentaires divers de la part de la Compagnie des bonimenteurs de Namur.
Ce soir-là, il est
certain que le succès de ces très courts métrages (quelques minutes), français,
autrichien, ou américain, tous assez datés, est avant tout dû à leur dimension
humoristique et aux commentaires des bonimenteurs, plutôt qu’à leur charge érotique,
passablement affaiblie par le passage des années, l'évolution des canons de la
beauté féminine et la libéralisation des moeurs (à ce titre, La coiffure ou La confession, films français de 1905 semblent aujourd'hui
totalement anodins)
Un sentiment de gêne
se fait peut-être un peu plus palpable dans le public devant le seul film authentiquement
pornographique Le Mousquetaire au restaurant (France, 1919), qui semble bien plus proche de ses
homologues contemporains par son traitement, sans disposer évidemment d'autant
de moyens techniques. Reste enfin, le plus curieux, un film d'animation
pornographique américain de 1920, qui utilise déjà le caractère des toons et
les gags invraisemblables, alors que ce genre ne surgira aux États-Unis qu'à
partir du milieu des années 1930.
Après ce distrayant
programme, le public se sépare, toujours sous les invectives de ces
bonimenteurs décidément inépuisables, avant de se disperser rapidement sous la
pluie.
Bruno
FORESTIER
NB : Il va de soi que
ce blog, soucieux de la moralité d'autrui n'aurait pas publié cet article, si
la séance de dimanche soir, n'avait pas été la dernière. Inutile donc de courir
à Beaubourg.
"les curieux sont répartis en fonction de leurs sexe" : est-ce à dire que femmes et hommes n'ont pas eu le droit au même programme ou est-ce que les organisateurs étaient plus soucieux des bonnes moeurs qu'ils ne le laissaient entendre ?
RépondreSupprimerTout le monde a pu assister à la séance, mais comme à l'église, sur deux rangées distinctes. Et évidemment, cette séparation n'était que l'une des multiples farces des organisateurs, qui feignaient de craindre quelques épanchements intempestifs ou déplacés des spectateurs des deux sexes, provoqués par la promiscuité et l'éveil des sens.
RépondreSupprimer"Le Mousquetaire au restaurant"? On ne manquait pas de fantaisie dans l'industrie du cinéma érotique, en 1919. J'avoue que ce titre à lui seul me donne envie de voir le film, pour la beauté du geste. Quelle élégance que de pouvoir citer sans rire "Le mousquetaire au restaurant"!
RépondreSupprimerLe Mousquetaire au restaurant, n'est pas un film érotique, mais bel et bien un porno, qui à sa façon, revêt déjà tous les codes du genre. Et, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il prête désormais plus à rire (ou au malaise) qu'au fantasme - ne serait-ce que par les dialogues retranscrits et les gauloiseries douteuses. Cependant si vous êtes vraiment passionné d'histoire du cinéma, sachez que les films étaient vendus en DVD à la sortie de la séance. Donc, peut-être trouvable sur le net.
RépondreSupprimerThis is a great blog
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